Une de la semaine

Chronique Souterraine #7

….

1

….Si je publie cette chronique avec un jour de retard c’est que je suis un connard fini, doublé d’un alcoolique ruiné et triplé d’un queutard inassouvi. Inassouvi because sans succès. Comme dans le fric et l’écriture d’ailleurs. Mais qu’en ai-je à foutre au fond ? Mes seuls lecteurs étant pour le moment principalement d’anciennes maîtresses et un ou deux (anciens ?) junkys ou professeurs de philosophie déprimés curieux de savoir ce que ce type rencontré au bar peut bien torcher.
….Eh bien voilà, admirez-moi ! Le plus grand écrivain français méconnu et refusé par Gallimard depuis Céline ! Rien de moins… ou peu sans faux.
….« T’écris quel genre ?
….— Mauvais genre. »
….L’autre soir j’étais au bar et, vu que je suis là devant le clavier accompagné d’un verre de whisky à l’eau – malgré mes presque 400 euros de découvert en DÉBUT de mois – je vais vous causer du côté queutard. Je ne cherche que des femmes, pas des filles. La majorité des femmes ont l’air d’être femme à quarante ans (pour info j’en ai trente-deux). Mais en les regardant bien les femmes de quarante ans ont l’air de petites filles paumées. Tenez, celle-là par exemple, maigre mais avec un beau cul, cerclée de gars d’un mètre quatre-vingt et autant en kilos (pour info toujours, j’en fais dix de moins) :
….« Salut (ça c’est moi), dis-moi tes chaussures elles sont défoncées ou tu les as achetées comme ça ?
….— Non, elles sont défoncées.
….— Ah, je me disais aussi…
….— Mais les trous sont d’origine. C’est des Chipie.
….— Ah ? Curieux.
….— Pourquoi ? T’achète jamais de jeans avec des trous ?
….— Ben non, j’attends qu’ils se fassent. »
….Elle se retourne. Fin de la discussion. Alors je vais au bar payer mes verres (je crois que le patron m’a enflé d’un verre de vin mais je suis trop lâche pour le lui marchander). Je vois en me tirant qu’une fille me regarde. Je me retourne, coucou de la main. Je me retourne encore et lui envoie un baiser. Je me re-retourne re-encore et lui fais signe de venir. Elle ne viendra jamais. Comme moi, les filles manquent de couilles. Ou alors j’ai encore rien compris.

….Et je passerai mon tour sur la beuverie d’hier…

….

 

2

….Je ne crois pas au communisme pour une chose très simple : l’Homme – moi y compris – est bien trop traître pour placer le bien collectif avant sa petite gueule.

….

 

3

….Cela devait faire 3 mois que nous étions ensemble Sarah et moi. Sarah : sa jeunesse, sa beauté blonde aux yeux bleus, ses petits seins biens rond et bien fermes, son sourire amoureux et son cul fantastique, marqué d’un croissant de lune. Elle était ma première, j’étais son second – si on exclut son frère, mais je l’apprendrai bien plus tard et pour le moment c’était mon pote, et ça n’a pas grand intérêt dans cette histoire sinon le pour « petit plus » glauque qui va bien.
….C’était l’été, nous vivions dans un mobil home à flanc de colline cerné de forêt et c’était la première fois qu’une fille m’aimait. Bref, je crois bien que j’étais heureux.
….Je n’avais pas encore pris mes fonctions d’apprenti chevrier et Sarah finissait à peine son stage en entreprise pour un électricien. On a ce point-là en commun que l’électricité sera pour nous un tremplin vers le pétage de plombs. Passons.
….On passait nos journées à baiser (à cette époque-là je disais « faire l’Amour »), écouter de la musique, et fumer des joints. Malgré mon côté punk, je n’étais pas encore le leveur de coude que je suis devenu. J’avais commencé à lire la biographie de Marilyn Manson. Je ne l’ai jamais finie. Ça aurait dû me mettre la puce à l’oreille, déjà, de trouver débile et inintéressant au possible un bouquin qui faisait sensation. Faut dire qu’à l’époque, les jeunes lisaient encore un peu. Faut dire qu’à l’époque (y’a douze ans, c’était pas l’Empire Perse non plus) nos téléphones servaient de téléphone et je n‘écrivais plus, donc pas besoin d’un ordinateur.
….On se droguait aussi, quelque fois. Je me souviens tout particulièrement de la fois où son neveu (mais de son âge) nous avait filé du Subutex. Cet enculé a fait depuis l’expérience de l’extraction de cervelle : initiative brillante que de prendre son scooter sans casque lorsque l’on est complètement bourré. Résultats : mort cérébrale à dix-neuf ans et son grand père ne se faisait plus voler ses rouleaux de cuivre.
….Le Subutex est une saloperie que l’on donne aux héroïnomanes pour contrer le manque. Quand vous le prenez sans être héroïnomane, vous vous retrouvez dans le coltard pendant facilement sept heures. Ça serait une bonne nouvelle si dans le même temps vous ne gerbiez pas toute votre âme. Même un verre d’eau est tout de suite rendu. Alors – pour mon petit côté Prévention Sanitaire – un conseil : bourrez-vous la gueule, fumer de l’herbe locale (pas ce truc surpuissant issu des laboratoires et testé pour enlever toute volonté), de temps en temps un peu de cocaïne si vous y tenez, mais laissez tomber ce truc-là, et la datura aussi, en plus ça a un goût dégueu.
….Bref, tout ça pour dire quoi déjà ? Ah oui ! Ce matin d’été provençal, nous en étions à nous réveiller tranquillement, comme le font les jeunes amoureux, avec des sourires et ce qui va avec. Du genre on se tripote les tétons et on se chatouille les boutons. Je me souviens que la veille au soir, pour cause de défonce intensive, on avait pas pu s’y mettre, biens que chauds comme une braise prête à recevoir un steak (ou une aubergine pour les vegan, ou une patate… démerdez-vous surtout que cette métaphore est bidon ! Oh et puis vos gueules, je continue…), et s’il y a une chose que tous les gens savent, c’est qu’un homme excité sans purge a mal aux boules le lendemain. Aussi, mesdames et demoiselles et cougars en devenir, soyez galantes, ne laissez pas un homme à sa main si vous avez commencé le travail. Si je ne suis pas adepte de la devise « tout travail commencé doit être fini » lorsqu’elle est dite par le patronat à l’heure d’aller chercher les gosses à l’école, en revanche j’en suis convaincu pour deux choses : le sexe, et sa prolongation : l’accouchement.
….Donc je sentis poindre une petite frustration de la part de mes rognons blancs. Orgueilleux, ils ont cru bon de me faire part de leur gêne. Sarah et moi étions d’accord pour entamer le débat, mais la cuite avait asséché nos bouches et le soleil commençait à taper féroce sur la tôle de notre abri. Aussi, ce fût l’heure du petit déjeuner autour de la petite table en fer posée dans le jardin, sous un chêne sans doute plus vieux que les Fables de La Fontaine.
….Croyez-le ou pas, mais qui n’a jamais déjeuner dans l’été de la campagne provençale ne peut absolument pas comprendre le mot quiétude. Pas besoin de bouquin de développement personnel. Trouvez simplement un sentier de chèvre, une clairière près d’un mas à l’ombre d’un chêne, une nappe de toile cirée à carreaux rouge et blanc, des olives (vertes de préférence), du café et des biscottes avec de la confiture maison aux cerises confites, au top un pot de miel de lavande et un fromage de chèvre bien frais. Si vous y allez en couple, prévoyez un heureux événement dans neuf mois.
….(Décidément je m’éloigne avec cette chronique)
….Peu avant midi – les petits déjeuners sont longs en Provence – l’orgueil de mes couilles se faisait de plus en plus pressant. Je veux dire que ça commençait à se transformer en douleur. Je pris un doliprane, puis voulu prendre Sarah. Mais elle n’en avait pas envie (femme indigne) alors je me suis rapatrié sur un (dix) Pastis et une sieste bercée par les Pink Floyd sous le regard amusé de ma jolie hippie.
….C’est la douleur qui me réveilla. Cette fois-ci on déconnait plus. J’avais mal, mais MAAAL. Et comme tous les hommes hyper courageux face à la douleur, j’ai tout de suite pris une voix de petit garçon hyper (pas) viril. « Bébé je t’en supplie, j’ai BESOIN de toi. Si tu le fais pas pour toi, fais-le pour ton amour pour moi. » Je ne sais pas si c’est mes talents de diplomate ou tout simplement l’amour mais Sarah a éclaté de rire avant de se coller contre moi. Vive la révolution sexuelle menée par nos aïeuls ! L’amour allait me sauver, il allait évacuer tout mon mal.
….Je lâchais la purée comme certains prennent un remède. C’est en me retirant que je l’ai vu couler du blason de ma belle, rouge, gluant, épais. Du sang. « T’as tes règles ? — Non, et c’est pas prévu tout de suite ». Cette fois j’y étais, pensais-je, j’allais mourir d’une gangrène des couilles ! Pour la première fois de ma vie j’étais peinard, heureux, aimé, et Dieu (ou la Crise), allait me faire crever parce que j’assouvissais un vice. Mais pourquoi moi ?
….« Allons à l’hôpital. »
….Plutôt crever ! Et la dignité dans tout ça ? J’avais déjà eu de la peine à me montrer nu devant une femme, alors montrer mes couilles à un docteur, non merci ! Je sais, c’est ridicule. Mais si la fierté n’est pas ridicule, qu’est-ce qui l’est ?
….Plus la journée passait, plus la douleur montait, et le diamètre de mes boules avec. En fait, de MA boule. La droite avait triplé de volume et complètement englouti la gauche (tout parallèle avec la politique serait purement fortuit). L’Amour n’avait donc pas gagné contre le mal. Je me résignais à appeler un docteur. Bien entendu, on était dimanche, je tombais donc sur le flemmard de garde :
….« Allô ?
….— Bonsoir docteur. J’ai une couille énorme et j’ai horriblement mal !
….— Faut couper !
….— QÔAAAA !?!
….— Allez à l’hôpital. »
….Ce salaud devait bien de se marrer. Adieu amour de jeunesse. Adieu ma terre de lavande. Je me rends compte maintenant que je meurs à quel point tu m’étais douce. Si c’est la souffrance qui m’achève sache que je…
« Oh, ta gueule ! J’t’amène à l’hôpital. »
….Ok M’dame.
….L’hôpital de Manosque, même population qu’à la CAF, deux fois plus de temps d’attente. Je me pointais au guichet le visage plissé par la souffrance et les mains entreprenant de faire fusionner un sac de glaçon à mes burnes.
….« Oui c’est pour quoi ?
….— Je me suis froissé un adducteur. »
….J’avais trop honte. Sarah, dilatée de rire à côté, joua les intermédiaires et la fournisseuse administrative. Puis on est allé attendre.
….« Profite encore un peu de tes copines ma chérie, demain on m’appellera castrat et je pourrais chanter comme Farinelli, mais toujours aussi faux. Adieu barbe de trois jours, adieu…
….— Oh, tais-toi un peu, c’est toi qui me barbe ! »
….Femme infâme ! Elles comprennent rien de toute façon. Pffff !
….On m’appela enfin pour la mise à mort de mon genre. Couloir blanc sans âme enfin… bleu caillé crado d’hôpital public sans tunes, à poil + blouse + médecin gros black qui dit « Montrez-moi ça
….— Tu rêves en couleur.
….— Et bien barrez-vous.
….— Bon d’accord. »
….Alors je montre mon business. Le médecin et trois infirmières sont là à loucher dessus.
….« Oh mais comme elle est ÉNORME cette testicule. Le pénis à côté fait vraiment tout petit »
….S’ils m’avaient laissé mes pompes, j’aurais pu cacher ma fierté dedans. Mais non.
….« Eh Clémentine, viens voir comme elle est ÉNOORME, j’en ai jamais vu comme ça. »
….Pitié, coupez-la moi mais fermez vos gueules !
….Le médecin me dit de m’allonger. On y était, j’allais perdre une partie de moi. C’est ce qui s’est passé mais j’imaginais pas celle-là. Je crois que j’aurais préféré la scie. Le gros black a mis sa grosse main dans un gros gant puis a mit un de ses gros doigts dans mon p’tit cul. Comme ça, sans rien dire, welcome in the forest ! Mes pieds sont partis en ruade sans que je parvienne à chopper sa tronche. En revanche, je crois bien avoir gueulé.
….« Ça va, la prostate n’est pas touchée. À votre âge je m’en doutais un peu. »
….Comment dire de façon plus nette qu’il venait de prendre ma fleur devant témoins sans motif vraiment valable ? Hippocrate et Sade auraient été bien potes.
….« Vous avez une simple inflammation de l’épididyme, prenez ce cachet pendant quelques jours et tout rentrera dans l’ordre. Et la prochaine fois, appelez un médecin avant que ça n’éclate.
….— La prochaine fois ? Pourquoi, je vais encore vivre ça ? C’est à cause de quoi ? Mon hygiène ? Parce que je baise trop ? Parce que je me drogue ?
….— Rien de tout ça, un simple manque de chance. »
….Voilà, je m’étais retrouvé avec une couille de la taille d’une boule de pétanque et un doigt dans le fion par manque de chance. Ce dernier point, je l’ai jamais dit à Sarah, vous êtes même les premier à le savoir je crois, alors savourez.
….Le lendemain, après le cachet, tout était redevenu normal pour la planète. Je vous avais bien dit que ce n’était pas la peine d’en faire tout un foin. Quelle bande de marioles vous êtes !

….

4

« Je serai la sensation de casse
dans les refontes de nos amours »

tiré d’un poème que je n’arrive plus à retrouver
et qui date de l’époque où je ne connaissais pas le proverbe
« Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage. »

….

….On s’aimait. Je crois bien qu’on s’aimait.
….Je sais plus putain.
….En tout cas, là que je suis en train de me tirer le cœur au café, on va dire que oui, on s’aimait.
….Et quand on s’aime les corps se le prouvent. Mais ce n’est pas encore assez. On en a jamais assez d’être collés. Alors on veut vivre ensemble. Et c’est déjà dans cette ébauche que ça merde quand rien n’est équilibré.
….Je faisais ce boulot pourri dans l’usine de saucisson. Deux ans d’intérim. Il paraît que la loi obligeait les patrons à embaucher un intérimaire à partir de trois mois de boulot en continu. Celui-là me donnait donc une semaine de « on a pas besoin de toi » tous les deux mois et quatre semaines. Donc tous les deux mois et quatre semaines, je gagnais un peu moins que la survie niveau fric, avec le loyer et une pension alimentaire à lâcher à une connasse et son putain d’arabe (les antifas qui vont monter au créneau sur cette phrase, je vous pisse au cul et vous cague à l’œil, quand on sait pas on la boucle !). Puis, j’ai tout laissé tomber. Pour deux-cents balles d’écart, autant toucher le chômage et faire un peu de black chez les potes maçons ou agriculteurs.
….Là, une idée à la con me taraudait déjà l’esprit : vivre d’un blog. J’avais été séduit par un de ces « entrepreneurs » du web et son livre fétiche : la Semaine de 4 heures de Timothy Ferriss. Alors je m’étais lancé à faire un blog, j’y pensais tout le temps, constamment. Je faisais des articles de développement personnel à la con alors que j’étais moi-même une fissure ambulante.
….Dans tout cela ELLE était là. Tellement unique, admirable, admirée, intelligente, belle et cultivée. Ma Révélation, ma Chance, ma Lumière, ma Totalité. Comme tous les aveugles, je n’ai compris la lumière qu’une fois plongé dans le noir.
….On habitait à plus de cinq-cents bornes l’un de l’autre. Nos corps, nos cœurs et nos réservoirs d’essence en souffraient. Alors on a décidé de se rapprocher, et le « projet » est né. Et comme il était hors de question que je m’éloigne de mon fils adoré, c’est ELLE qui s’est rapprochée. Et comme je n’avais pas de sous, c’est ELLE qui est allée en gagner. Infirmière c’est pas mal et mobile. ELLE a donc commencé à faire des remplacements. Des journées de 12 heures, parfois plus. Ça l’usait.
….C’était un été particulièrement chaud et lourd quand elle s’est rendue compte au milieu de tout ça qu’elle n’était plus bien « menstrualisée ». Alors, comme on était jeunes et modernes, on a réfléchi à l’envers, chacun de son côté et ensemble. On s’est dits « raisonnables », c’est-à-dire que le fric et la conjoncture de nos situations respectives ont pris le pas sur la vie. Alors on est allés voir le gynéco. Moi, je pensais au prochain article du blog quand elle est entrée dans le cabinet. Le médecin, avec tout son tact, lui a fait voir sur l’écran la vie qu’on voulait tuer. Et moi je n’étais pas là. Je l’ai laissée tomber. Puis elle a pris la pilule et on est allés voir le théâtre et sa mère à Avignon. La pilule n’a pas marché. « T’es tellement entraîné à te battre que t’as conditionné des spermato-warrior » qu’ELLE me disait. ELLE a jamais aimé le Krav Maga. Maintenant j’en fait plus, mais ELLE s’en fout
….Alors entre ses heures de boulots elle s’est retapée une pilule. Ça la rendait malade, et moi je pensais au blog. Je pensais au blog quand elle, fatiguée et de mauvaise humeur a provoqué une dispute que je n’ai pas su comprendre. Je pensais au blog quand j’ai pris la voiture pour me barrer. Le blog n’était pas loin quand j’ai fait demi-tour pour revenir près d’ELLE. Et il n’était pas loin non plus quand ELLE, malade comme une chienne, vomissait son avortement et que je la regardais, à côté et absent.
….Puis ELLE a tiré la chasse.
….C’était fini.

….

5

….J’étais en train de me prendre la tête sur comment écrire le chapitre suivant de mon livre lorsque la sonnerie a sonné. Il devait être dix heures du soir. D’habitude, à cette heure-là, la sonnerie ne sonne jamais. Et pourtant, avec des si, l’Éthique serait Présidente. Je vais donc ouvrir, armé de ma machette, histoire « d’on ne sait jamais ». C’était Milou, j’ai tombé la machette. Milou : La trentaine bien ridée (en tout cas plus que moi), sourire jusque-là et cheveux en pétards. Elle tenait à la main une bouteille de vin et son haleine sentait déjà l’entraînement. C’était la seconde fois de ma vie que je la voyais. On s’était roulé une pelle quelques mois plus tôt, sans suite et sans nouvelles. Milou m’a embrassé, je l’ai faite entrer.
….Elle a ouvert la bouteille de vin et j’ai fourni les olives. Milou était artiste peintre, mais personnellement, j’en avais rien à foutre des peintres. Je ne voyais que son petit short en dentelle tout mignon. Milou, malgré ses solstices, était rudement bien conservée. L’art sans doute, ou le fait de ne pas s’être fait défoncée le bas par un enfant. Dans tous les cas, comme elle s’était livrée à domicile, je présumais que ce n’était pas pour parler Baudelaire.
….Sur le canapé en cuir, on s’y est donc vite mis après avoir picolé. C’était cool sans être mémorable, comme toutes les premières fois passées les premières fois. Non, je peux pas vraiment dire ça, et le chouettes quand les nanas sont petites c’est qu’on peut leur caresser le visage durant un cunni. Ça faisait du bien de s’endormir dans les bras l’un de l’autre dans le canapé en cuir, et ça faisait du bien de se réveiller dans les bras l’un sur l’autre dans le canapé en cuir. Ça faisait un bail.

….J’ai revu Milou deux jours plus tard, donc j’avais avancé de deux chapitres dont un lui étant dédié. Elle venait me chercher avec quelques-uns de ses potes pour une exposition d’art contemporain donnée au Tampon. Me voici donc embarqué dans une carlingue très modeste (Peugeot 106 ou un truc du genre) direction la Culture (avec un gros Q). Déjà dans la caisse j’avais pigé un truc : pour Milou, RIEN ne s’était passé. Pour elle je n’avais été qu’un coup d’un soir. Alors, si cette approche vous semble normale, c’est que l’hypocrisie est pour vous une normalité.

….L’exposition était à chier, vraiment. Hormis deux ou trois peintures de street art valant le détour, j’ai regretté d’être à jeun. Je ne pouvais m’empêcher de faire le parallèle, j’avais du mal à me faire éditer gratuitement et d’autres exposaient leurs bouses au nom de l’Art. Exemple : y’avait ce truc qui faisait un bordel pas possible. En gros, ils avaient mis des barrières de fête foraine disposées en cercle, et au milieu, un moteur à la con comme j’en branchais en terminale faisait tourner une lanière qui claquait contre chaque barreau des barrières. Mais on m’a expliqué :
….« À l’origine, sur l’œuvre, il y avait une matraque. Mais ça faisait trop de bruit alors ils ont mis la lanière. Ça symbolise les manifestations.
….— Ah bon. Ben c’est une demi œuvre alors non ? »
….Vu le regard snob de mon interlocuteur, j’ai compris que j’avais pas accès à leur monde. Heureusement, j’avais accès aux petits fours et au vin blanc. J’ai tenté quelques approches vis-à-vis de Milou, autant approcher une huître congelée. Elle était dans son monde, moi pas. Et j’ai eu beau me passer cette soirée en boucle, j’ai jamais pigé pourquoi elle m’avait invité. Tentative de conversion peut-être ? Je vois rien d’autre.
….Ils ont ce truc bizarre les artistes, comme les religieux, si tu commences à critiquer leur dogme, ils te regardent comme si tu étais inférieur et que ta pensée valait moins que la leur. Et cela se résume à une phrase toute courte, mais définitive à l’exclusion : « tu peux pas comprendre. » Il ne s’agit pas de compréhension (va comprendre un bout de lanière sur une barrière), mais d’adhésion. La compréhension figure le philosophique, l’adhésion le religieux. Si leur art est religieux, étant né laïc, je ne puis accepter qu’il me gouverne et m’exclut. C’est aussi simple que ça. Si une chose n’est pas critiquable, c’est qu’elle est sacrée. Si elle est sacrée, c’est que c’est une religion. Et tout mon problème, en tant que laïc, vient de cette impossibilité de la critique.
….Une fois les petits fours, le vin blanc et les accolades entre artistes exécutées, la voiture a pris la route de Terre Sainte, dans la coloc’ de Milou. Et là bien entendu – sinon ça ne serait pas marrant – et sans que je comprenne vraiment pourquoi sauf que c’était de ma faute, la soirée a vrillé. Après quelques joints pour les artistes et quelques bières pour moi, Milou a commencé à m’en foutre plein la gueule, à me couper la parole et à me balancer un « tu gênes mes amis. — Ils sont pas assez grands pour le dire eux-mêmes ? — Pas la peine, je les connais. » Bon, ok, soit, c’était pas la première fois que je me montrais inadapté. Je vais même finir par croire que je suis inadaptable. Je dois fonctionner avec un logiciel expérimental qui a été retiré du marché. Les amis ont fini par aller se foutre au pieu et nous de même. Étant un gros macho avec un raisonnement unique, j’ai un ou deux principes, qui valent ce qu’ils valent : La tension entre un homme est une femme se résout au pieu, et il est hors de question que dans un lit habité par un corps chaud auquel j’ai goûté deux jours plus tôt je ne sente pas contre moi ce dit corps chaud. Sauf qu’entre les 80 centimètres qui nous séparaient Milou et moi, il y avait toute l’histoire de l’ère glaciaire qui s’y racontait. Au début j’ai décidé de m’en foutre et de pioncer. Mais je n’ai pas réussi à m’en foutre et à pioncer. Je me suis levé pour me barrer.
….« Keske tu fais ?
….— Je ne me sens pas à l’aise. J’me barre. »
….Je ne sais plus trop ce que Milou a gueulé, mais elle a gueulé, me raccompagnant jusqu’au portail comme si c’était elle qui me foutait dehors. Je lui ai laissé le dernier mot. Je crois que de toute façon, elle ne m’a jamais laissé entrer de bon cœur. Je me suis donc retrouvé dans la nuit de Terre Sainte, il devait être trois heures du matin, suivi par le chien de mon excommunieuse. Enfin, un chien, un mini mouton fichu d’une tête de rat gros comme une boîte de Quality Street. Le chien m’a suivi durant deux bons kilomètres. Je me suis demandé un moment si par vengeance j’allais pas le kidnapper ou le foutre à l’eau. Et puis non, trop de boulot. Le chien lui aussi a fini par me lâcher et je me suis tapé la grande pente qui relie Terre Sainte à la Ligne des bambous. Quand je suis arrivé, la nuit palissait. J’ai dormi habillé.

….Quelques mois plus tard j’ai croisé Milou en passant devant le Toit. Je sortais avec Mary. Milou m’a fait un sourire grand comme ça.
….« Oh, salut l’écrivain. Comment tu vas ?
….— Je vais.
….— Ça me fait plaisir de te voir. »
….Ça-me-fait-plaisir-de-te-voir…
….Vraiment, je dois pas avoir le bon logiciel pour comprendre…

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Évaluation*