Une de la semaine

Chronique Souterraine #2

…..

…..Assis au fond d’un souvenir
…..des maléfices entre les seins
…..tu ne demandes qu’à jouir
…..de cet écrivain sous tes reins…

…..En réalité c’qui s’passe c’est que j’avais déjà écrit une chronique. Et sans être formidable je la trouvais plutôt bien. Mais autre chose m’est venu en tête depuis alors, pour pas gâcher le boulot – c’est mon défaut, j’ai du mal à jeter mes mots – je vous propose un mix des deux d’accord ? Ça vous va ? OK… on verra bien…

…..Ça faisait une, non, deux semaines que je ne dormais pas, ou très peu, en tout cas très mal. En plus d’être charcuté des yeux, ma colonne vertébrale se clonait en une immense douleur lourde finissant criarde au niveau des tempes. La faute à ce blog. Ou plutôt à la pression que je me mettais dedans. Le genre « il FAUT que ça marche » tu vois ? Pas si évident, et assez flippant, que de vouloir vivre sa vie sans patron, sans rien d’autre que soi aux commandes. À moins de devenir son propre exploiteur. Qu’y a-t-il de pire ? Et je me suis rendu compte que c’est ce qui se passait. Sans déc’, si un patron me voyait, il ferait aussitôt de moi son modèle. Jugez plutôt : Je bosse entre 12 et 16 heures par jour (étirable à volonté) pour pas un rond, nourri au café et à la clope, et comme mon bureau EST ma piaule, je dors sur mon lieu de travail. Mon syndicat est d’accord sinon on coule la boîte. Ouais… Pour prendre le langage officiel, j’ai instauré de la flexibilité et de la souplesse pour l’entreprise en assouplissant le Code du Travail. En français courant ça veut dire que je m’exploite et me malmène pour la prospérité d’un autre (pour le moment mon hébergeur de site à qui j’ai payé un abonnement… mais en langage officiel je vais le nommer « partenaire »).
…..Ceci dit, quand on y pense, ils sont jolis ces mots, on a l’impression d’aller à la gym :
…..« Eh Raymond (le français moyen salarié syndicalisé qui pige rien au monde moderne s’appelle toujours Raymond), T’es pour ou contre toi, la flexibilité du temps de travail ?
…..– Ben… faut être con pour être contre ! C’est vachement bien d’être flexible, ma femme depuis qu’elle va au yoga et s’éclate drôlement, et gagne en souplesse et tout ça, son prof à l’air content d’elle.
…..Vous le voyez le cocu Raymond ? Alors pourquoi vous le voyez pas avec Macron ?
…..Moi je proposerais que les salariés « composent » avec l’entreprise. Afin que le patron – bien planqué devant son RH qui n’est rien d’autre qu’un chef du personnel – les fasse bien chanter ses salariés.
…..Le pire c’est que ça passe, faut pas déconner !
…..Dire que le pauvre, il va pleurer en Roumanie que les Français ne veulent pas de réforme. Ben… Comment te dire Manu ? Propose-moi une réforme où l’École apprend aux enfants à lire, compter, écrire et penser, où on apprend un métier (un vrai savoir-faire qui nous (as)servira toute notre vie, pas un truc de travail à la chaîne à la con), plus un modèle, une vision, qui imagine une France… euh… comment dire… ? Ah oui ! C’est écrit sur la mairie : une France Libre, Égalitaire et Fraternelle. Propose ça, et je la signe ta réforme, je vais même dans la rue faire ta pub si tu veux….
…..(Là, entre ceux qui pensent que la politique c’est chiant et ceux qui sont pas d’accord, on va dire que j’ai perdu… disons 70% des lecteurs ? Donc il doit en rester un ou deux, donc je vais vous dire TU (si vous faites des séances de lecture en commun sur ma modeste feuille, pardonnez-moi d’avance cette erreur d’appréciation stratégique)).
…..Quand je me gonfle moi-même – ce qui arrive assez souvent – et que j’ai du mal à le graver sur le papier, j’ai deux ou trois trucs : PRIMO, sortir pour aller me bourrer la gueule. Mais ça coûte de plus en plus cher (et c’était le sujet de ma première chronique donc ce que vous aurez à la fin). DEUUZZIO, regarder une émission de télé mais sur le web, le truc de base, genre les informations ou un semi-débat où tout le monde parle le même langage. Et TERTIO… euh… passons au paragraphe suivant, tu vas comprendre.
…..Je vais dire un truc super ringard mais, en tant qu’écrivain qui a fait un lycée technologique et un BTS (Baston Totalement Saoul) agricole, je regrette assez de ne pas avoir appris le latin et le grec, racines de notre langue. Et je déplore assez cette mentalité dite de modernisation qui tend à transformer notre langue si naturellement élégante en produit entrepreneurial et consumériste (j’ai appris le mot hier alors il fallait que je le recase pour l’apprendre, méthode perso). Bon ok, je t’ai perdu… En gros, le tertio c’est : j’appelle ma – ou une de « mes » suivant la conjoncture – maîtresse. Quel mot sublime n’est-ce pas ? Cependant, la mode in the move à virer les mots « amants » ou « maîtresse », pour le remplacer par un truc nettement plus branché : plan cul. J’entends d’ici les contestataires disant qu’un amant et un plan cul c’est pas exactement la même chose, je m’en fous, c’est ma chronique. Donc plan cul… plan social, plan cul, plan d’extermination… ok.
…..Moi j’ai le plan de la ville mais apparemment c’est pas pareil.
…..En gros, si j’ai bien compris, le plan cul c’est ce qui fout les putes au chômage (si elles avaient droit au chômage), et balance l’Amour – trop ringard – et la masturbation – trop pathos because à l’heure du tout connecté faut VRAIMENT LE VOULOIR POUR ÊTRE SEUL, on va aller se branler dans l’autre tout en trouvant ça « hype ». Quand c’est des trentenaires désabusés (même s’ils le cachent sous le côté « je me prends pas la tête ») qui en parlent, de leur plan cul, ça passe. Quand c’est des mômes de 17 ans, ça me fait moins rire. Mais on va dire que je suis trop… négatif. Tiens, ça va me permettre une petite pirouette :
…..Y’a environ un an, une lectrice de mon roman (celui prévu avant No Hell) m’a balancé un truc du genre : « ce que tu écris ne m’intéresse pas. C’est trop noir et trop pessimiste. Moi je préfère ceux qui parlent de la beauté des mouches qui se collent sur un pot de confiture… blablabla »
…..Ben écoute… ok. Si parler de ce qui est moche c’est pas bien alors… Et on dirait pas mais, c’est une vraie dictature du bonheur ce truc. Petite mise en situation :
…..Vu qu’on avait loué une cabane perchée au milieu de la savane pour être peinards pendant une semaine, mon fils et moi avons fait le plein au supermarché histoire de s’en mettre plein le gosier et de surtout pas y revenir. Arrivés à la caisse, y’avait un boitier des boutons et sur les boutons des têtes soit souriantes soit pleurnichardes en vert en orange et en rouge conformément au code couleur appris au bord des routes. All right le mioche demande :
…..« Papa, à quoi ça sert ce truc ?
…..– Ben ça, c’est pour que tu dénonces la caissière et vote pour qu’elle soit virée (rouge) ou qu’elle garde son même salaire de pauvre avec un contrat précaire (orange et vert) ».
…..Comme j’ai fait exprès de le dire un peu fort, vous imaginez la tête des témoins… Ce à quoi, après quelques échanges, mon fils, toujours merveilleux et surprenant demande :
…..« Et alors, on a le droit de faire pareil pour son patron s’il la paie mal et que nous on est pas d’accord ? »…
…..Je vous laisse là-dessus…

…..Le monde part de plus en plus en couille hein ? Mais faut surtout pas le dire, c’est pas bien d’être pas content. Faut être POSITIF. Moi je l’emmerde la positivité. Je l’assomme avec mon haleine et je lui balance mon passé dans la gueule. Tiens, ça aussi c’est devenu un gros mot (y’a donc des petits mots ? je t’aime ?). Comme cette phrase : « oublie le passé, va de l’avant, tourne la page, regarde avec l’avenir ». Et tu fais comment pour aller vers l’avenir si tu ne gardes aucune trace du passé ? Ce que tu appelles le passé (berk ! donc pas in the move, car passé = périmé) moi, j’appelle ça l’histoire. Quand une fille s’effondre parce que le gars qu’elle croyait l’homme de sa vie la quitte et qu’à plus de trente ans, avec son CDI de merde elle dit ne jamais pouvoir avoir un « chez elle », ni garder un gars bien, ni avoir un enfant, moi quand j’entends ça, je l’encule la mouche sur son pot de confiture, et toute la beauté qui va avec.
…..Puisque je suis parti pour prendre parti, et faire une chronique assez longue au final, je me demande si les gens se rendent compte que la globalisation (la mondialisation existant depuis la découverte des Amériques on va faire l’impasse) ne signifie ni plus ni moins que de livrer son pays au monde, et donc de l’accepter sans se poser une seule seconde la question – au nom de la liberté, c’est pratique – de si c’est acceptable.
…..Mais attends, c’est pas tout. Imagine, on est dans un livre de science-fiction… Bien. Maintenant, imagine un monde où les entreprises deviennent des nations en achetant des clubs de sport et en les faisant prospérer au point qu’ils en deviennent un formidable outil de propagande et de démonstration de puissance (sans compter l’apport financier bien entendu). C’est fait ? Ok. Maintenant j’écrirais simplement deux choses : PSG – QATAR.

…..Un jour, on sponsorisera les politiciens pour qu’ils portent des Nike afin de récolter quelques sous pour des malades et ainsi se montrer en exemple et faire rêver et sourire des enfants d’Inde fabricants des chaussures pour…
…..Ouais… les mouches et les pots.
…..Comme le disait ma grand-mère (c’est pas vrai elle le disait pas mais ça fait « sagesse antique ») : Si tu dois recevoir, fais en sorte que ta table soit belle.
…..C’est pareil avec un pays, sauf si on est d’accord pour le vendre… Mais comme plus grand monde n’est crédible, la vente passera…
Moi avec ces conneries j’étais à deux doigts de m’envoyer une lettre de non-candidature pour le poste d’écrivain souterrain tu vois ?

…..« Monsieur l’Écrivain Souterrain,

…..J’ai bien reçu votre candidature concernant le poste de patron-écrivain-publicitaire-manager-RH-éditeur-distributeur-cuisinier-barman-webmaster-blablateur-technicien et agent de propreté en surface- qui s’ouvre dans la start-up littéraire underground que vous lancez. Bien que l’attrait de l’autonomie et de la diversité des compétences mise en action ne soient pas inintéressants, je suis au regret de vous dire que je ne pourvoirais pas à ce poste.
…..En effet, si mon parcours scolaire m’a appris à être obéissant et modulable à l’envi, sachez que je ne le suis généralement que quand je suis d’accord, ce qui n’arrive que rarement, ayant déjà du mal à être d’accord avec moi.
…..Si vous souhaitez toutefois en discuter lors d’une assemblée participative, sachez que vous pourrez me joindre tous les vendredis à mon bar favori (chercher dans mes like Facebook), à condition que mon planage ne s’y oppose pas.
…..Et je ne parle même pas du salaire médiocre car enfin, cher patron, si je n’ai pas besoin de vous pour survivre (un autre exploiteur le proposant aussi bien que vous) vous, en revanche, avez besoin de moi pour vivre.
…..Veuillez ainsi agréer… blablabla… »

…..Bref, toujours devant mon ordi à ce moment-là, j’ai voulu prendre l’air, mon cerveau et mon corps en ayant bien besoin. Et je me disais que si je n’arrivais pas à déconnecter l’un, balancer l’autre en mouvement ne pouvait pas faire de mal. Me voilà donc en chemise et marcel (invention française ringarde du XIXème) dans la rue, 18 heures 30, la nuit sur l’île. L’air commence à se chauffer un peu et les moustiques en profitent. Même lorsqu’il n’y a rien à becqueter, ces salauds adorent vous piquer entre les doigts, là où c’est tout doux, et ça gratte à ne plus pouvoir penser au blog. Tout ce qu’il me fallait.
…..C’est tout de même tragique de voir, en tant qu’écrivain, comment rester un moment dans sa bulle peut vous « déconnecter » de l’essentiel. La plupart des gens n’y fait pas gaffe, et même y plonge tête la première dans le piège, et avec joie même. Après tout, on leur a vendu ça comme le « progrès ». Mais un mec qui a pour boulot de restituer le réel ne peut pas se le permettre. À ce titre, saluons Houellebecq qui, lors d’une émission télé durant la dernière campagne Pestilentielle, avouait ne pas comprendre ceux qui votaient les extrêmes. Pour ma part, je ne comprends pas ceux qui votent. Moi, je le ferais quand on comptera le blanc. Et on me dira tout ce qu’on veut, tous leurs principes culpabilisants sous couvert démocratique c’est de la camelote en syntaxe, rien d’autre. Quitte à choisir entre la peste et le choléra, je préfère l’attendre tranquillement chez moi avec une seringue de pénicilline.
…..Après un petit tour vers le stade de foot, au bout de quinze minutes de marche, je me suis rendu compte que j’avais envie d’une bière. Problème : il ne me restait (oui, je sais, je passe du passé au présent pour revenir au passé mais ça passe) que deux euros en poches, nous n’étions que le 24 du mois et j’avais le choix entre un paquet de pâtes bon marché (où la différence entre cuit craquant et cuit en purée se chronomètre sur dix secondes) qui aurait le plaisir de me nourrir en cellulite et sucres lents pendant deux ou trois jours ou une bonne bière rafraichissante… Fallait que je maigrisse un peu de toute façon.
…..Une voiture en warning garée devant le troquet m’a fait prendre conscience à quel point mes yeux allaient mal. Ça illuminait de partout dans la brûlure. Fallait vraiment que je commence à les mettre ses lunettes…
…..C’est un fait : la plupart des hommes qui vont seuls dans des bars y vont pour qu’il s’y passe quelque chose. Ils sont en recherche de vibration, d’inédit, pour oublier que leur vie les tue. Peut-être même que certains croient y rencontrer un jour le Grand Amour allez savoir ? Les femmes elles, c’est différent. C’est quand elles y vont seules (ce qui est très rare de nos jours) qu’elles SAVENT qu’il va se passer quelque chose. Les hommes se voilent la face mais essaient, les femmes savent mais laissent faire, voilà tout le secret de l’humanité révélé en deux lignes.
…..Moi là-dedans, surtout, je voulais qu’il ne se passe RIEN. Boire mon sachet de pâtes tranquillement, sans rien espérer, sans rien frémir, simplement la volonté de me trouver une bonne chaise au bar et le dos pas trop prêt de l’entrée (je déteste les allées et venues dans mon dos).
…..Il n’y avait que quelques clients quand je me suis pointé au Pou et Blow, des hommes, parfait. Ils discutaient entre eux des conneries habituelles de mecs après le boulot (ils discutaient tranquillement de leurs problèmes de plan maîtresse et tout ça) alors qu’un gamin habillé en footballeur venait demander la monnaie sur un billet de vingt. Moi, assez réservé et plutôt timide malgré les croyances populaires, je restais là à les mater dans leur quotidien : travailleurs, époux, pères, propriétaires ou locataires, un peu grassouilles ou carrément balaises, ils sirotaient le coup en parlant fort, fiers, à l’aise ou faisant comme-ci. Un spectacle de pure simplicité comme je les aime !
…..Et (comme le dirait en VF le héros de Fight Club) elle est venue TOUT gâcher. Entendons-nous bien (comme dirait cette fois un philosophe qui prend de plus en plus la grosse tête au niveau des chevilles) elle ne l’a pas fait exprès, elle venait juste voir son mec et fumer une tige – lui mettant une pression invisible comme seules les femmes savent en mettre en attendant qu’il finisse sa canette. Mais, avec sa peau d’indienne aux yeux de charbons lisses, son petit haut blanc cachant ses petits tétons noirs, sa jolie figure délicate, dans la netteté de sa peau jeune et rieuse, elle avait tout gâché ! Tout simplement parce que l’ambiance d’un bar change lorsqu’une femme apparaît, surtout si elle est belle. Et comme moi je ne souhaitais RIEN ressentir ni envisager, tout s’est cassé la gueule. Il m’en faut pas beaucoup tu me diras… Disons que ça dépend l’état, mais c’est vrai, émotionnellement je n’ai rien de comparable à la Muraille de Chine. Quoique… bref !
…..J’ai donc éclusé ma bière rapidos pour rentrer chez moi, où m’attendait un message d’Aurélie La Voix (un ancien poème) qui me demandait ce que j’avais fait de plus fou sexuellement parlant. Redoutant qu’elle veuille l’accomplir avec son nouvel amant dont elle était TRÈS, TRÈS amoureuse, je l’ai envoyée chier, le moral encore plus plombé.
…..Comprenez-moi, il n’y a rien de pire parfois qu’un monde qui vous explose à la gueule en vous disant à quel point vous êtes seul, décalé, livide peut-être. Je suis en plus à peu près certain que pour cette chronique hebdomadaire (la seule qui se veuille réellement VALABLE littérairement parlant sur le blog) vous vous attendiez à une vraie histoire en trois actes avec rebondissements et tout le tintouin. Désolé pour vos organes, ce soir, je n’ai que celle-là.

…..

 

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