Une de la semaine

Chronique Souterraine #11 – Le voyage

 

Si vous avez un tant soit peu d’observation, vous remarquerez qu’il n’y a aucun alinéa dans ce texte. Certains – les plus cultivés sans doute – se diront « tiens, il fait du Djian » (petit coucou à Charlie). Les autres, la majorité sans doute, s’en foutront et ils auront bien raison. La vérité est simple. J’ai eu la flemme de la mise en page, de ces quatre petits points que j’habille habituellement de la couleur du fond d’écran du blog (surlignez les autres chroniques pour savoir de quoi je parle) pour forcer le logiciel de traitement de texte à ce qu’il m’interdit : la liberté du choix de ma forme.
Pour ce coup-ci je lui laisse la victoire. Quand sur un texte écrit à la main la musique prédomine et se suffit à elle-même, on ne va pas chercher EN PLUS à lui coller un moule, ce serait trop vulgaire. Bonne lecture.

 

« Tu sais y mettre les formes toi ! »
Toujours la même chose ! On veut bien que je sois Français, mais pas que je sois franc. Un passeport bloqué à la frontière de la bonne conduite en somme…. Pourtant j’avais rien dit d’autre que « Non ». Non, je ne voulais pas partir en voyage. Ni ici, ni ailleurs ou autre part. Ni bateau, ni train, ni avion, ni bagnole ou mule ou voyage à patte. Non, je ne voulais pas. Je ne voulais pas bouger et même pas pour deux jours. J’avais prévu de les passer avec moi ces deux jours, dans mes pensées, mes verres et mes bleus, dans un voyage poétique – un voyage aussi – mais pas comme eux, et comme eux sont la majorité, mon voyage à moi n’a pas le droit d’être constitué du même mot que le leur. J’suis bien moi sous mes tropiques à moi, doux, chauds, humides. Pourquoi je bougerais ? Pour la beauté ? Pour la curiosité de voir si les gens sont moins gens sous l’équateur ? Rien à carrer de leur équateur, ou de leur cercle polaire. Et tout ce qui gravite autour. Ça me reste entre les dents leurs souvenirs, leurs photos avec des macaques sur les épaules et leurs rigolades avec d’autres touristes issus de leur même classe sociale, hypocrite, consommatrice, à l’aise à roter, à juger, à se croire unique, à oublier qu’on n’est rien qu’un tas de viande de plus dans la foule. Voyage équitable au cercle polaire ou à l’équateur qui me reste entre les molaires, équitablement. Équimolaire donc, grinçant surtout. Et comme j’ai décidé que non, j’ai pas le droit de décider que j’en veux pas non plus du flot de reproches dont l’autre m’arrose à pas être d’accord. Soumission et tranquillité ou liberté et tyrannie, faut savoir choisir. Bien entendu l’autre, si on lui dit qu’il devrait le faire aussi le voyage en lui, dans sa nuit de frustration et de colère, il va pas comprendre. Il sait pas avec quelle tablette commander les billets, ni quel transport choisir. C’est pas assez solide pour lui, alors c’est du vent mon voyage gratos à la rencontre de moi, alors que le sien, tant qu’il lui fait dégueuler des billets ou toucher des corps, c’est concret, pragmatique. Et si je lui propose le mien de voyage, si je lui demande s’il veut qu’on parte chacun à la rencontre de l’autre, là aussi, bien entendu, j’ai pas le droit de lui dire qu’il y met pas les formes quand il gueule « Non ». C’est pas pareil qu’il va dire. Pour eux, c’est toujours pas pareil quand c’est pas comme ils veulent. Et moi j’en veux pas de son pareil à lui. Du coup j’fais chier ! Parce que je m’obéis. Ça le gêne jamais l’autre qu’on se désobéisse à soi du moment qu’on lui obéit à lui. L’inverse en revanche, ça créer toujours des décibels.

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