Chronique Souterraine, Une de la semaine

Une histoire de colline, de colère et de création (ce qui est mieux que cocaïne, créatine et curaçao)   

Il se passe quelque chose d’étrange ces derniers temps…
J’en suis à écrire mon troisième roman, le second signé sous le pseudo du Souterrain, et… comment dire ?… ce bouquin me transforme, et se transforme avec moi. Pour tenter d’être plus clair, lorsque j’ai écrit Où veux-tu qu’je r’garde ? (très bon au passage, achetez-le si ce n’est pas encore fait, et si c’est fait, achetez-en encore pour l’offrir ! sans oublier de donner votre avis et cinq étoiles sur le site d’Amazon, histoire de me faire un peu mieux voir…), j’ai achevé le premier jet, je l’ai relu pour en soigner le style, et puis basta ! Celui-là… bordel ! L’histoire de départ n’a absolument rien à voir avec ce qu’il va être à l’arrivée ! Faut dire, l’état dans lequel je l’ai commencé, puis celui dans lequel je me suis trouvé en plein milieu, puis celui qui me possède maintenant sont radicalement différents ! C’est dingue comme on peut changer en deux mois !
Ce matin, je suis allé enterrer ma colère au pied d’un chêne, au sommet d’une colline. J’avais choisi une pierre, assez balaise, et j’ai écrit dessus « Colère » au marqueur noir. Puis j’ai fait une lettre, où je lui ai parlé à ma colère, ça faisait bien longtemps qu’on vivait ensemble elle et moi. Quatre pages trempées dans l’acide et les crachats dans l’évier. Puis j’ai pris la route et avec ma chienne, on est allé marcher. J’ai trouvé une colline, j’en ai bien chié pour y aller. C’était raide, le soleil tapait et je n’ai rien mangé depuis la veille au midi, seulement de la bière, des clopes et du café. Arrivé là-haut, au pied d’un chêne, j’ai fait un trou dans la caillasse, j’ai cramé la lettre, posé la pierre dessus et j’ai enterré le tout. Puis je suis retourné à la voiture. J’ai gerbé trois fois durant le retour.  Ma colère sortait… Ça m’a amené à m’interroger sur l’acte de création, qui est une ressource, chez moi. D’ailleurs, il faudrait peut-être que je commence par-là :
J’ai appris dernièrement (vous lirez comment lorsque le bouquin sera fini et sorti – ceux qui n’est pas pour la semaine prochaine) que j’avais trois ressources en moi, trois choses (je ne sais très moi bien comment dire autrement) trois trucs, trois bidules, trois machins qui m’appartiennent sur lesquels je pouvais compter en cas de coup dur. Trois ressources donc, parmi lesquelles la nourriture, la création et la nature. C’est pas rien de savoir ça, d’en être certain. En tout cas, pour moi, qui doute de tout et tout le temps, ça m’aide et me rassure beaucoup d’avoir su cela.

Donc, énumérons un peu.

La nourriture, la bouffe, la jactance. J’aime bien manger (je suis français), j’aime bien faire à manger et, je fais mon potager. Donc je fais pousser ma bouffe. C’est vrai que j’adore cuisiner, c’est un endroit où je me sens libre et, sans être un cuistot formé, ni un restaurateur, je me défends, et mes femmes peuvent en témoigner. D’ailleurs, puisqu’on en parle, bouffer des chattes fait aussi partie du truc.

Ensuite la nature. Pour moi le gamin de la ville, ça a été bizarre d’apprendre ça. Mais en même temps, ma tentation de jouer les Zarathoustra dans ma cabane perdue dans la forêt loin des hommes s’explique. C’est vrai que j’adore me balader avec mon chien, ou me balader tout court. Je fais ça souvent. La nature est implacable et elle a une chose que l’humanité n’a pas, elle est sincère, elle ne ment pas, elle ne cache rien et ne triche en rien. Elle peut être saccagée, luxuriante, sèche, envahissante, humide, grasse ou froide, on sait toujours à quoi s’attendre avec elle. Elle me plait pour cela, et puis, être nature EST dans ma nature, j’avoue avoir du mal avec les hypocrisies, même les miennes.

Enfin, la création, ce foutu machin divin… Certes, il y a l’ART sous toutes ses formes, mais, créer un sourire, une gêne, une colère ou un orgasme, j’adore ça aussi. Niveau art, la création passe surtout chez moi par l’écriture, le but étant moins de raconter une fantastique histoire sur trois nains et un magicien partant sauver le monde en faisant du tourisme que de raconter comment une femme peut vous foutre le cœur en l’air et s’en foutre, ce qui est – somme toute – tout à fait banal, mais en faire quelque chose de BEAU. Ouais, c’est là-dedans que j’aime Créer ! Cela me semble VRAI. Chier est BEAU, boire seul est BEAU, pleurer sa solitude à poil dans son lit est BEAU. Tout comme baiser, faire des boulots durs et mal payés, recevoir une amende et ne pas pouvoir la raquer, se mettre en colère, se battre, perdre, gagner, boire encore et encore, être rancunier, tout gâcher, vouloir rattraper le coup en vain, se faire détester par des femmes qui nous ont aimé, faire payer cela à la suivante qui n’a rien fait, regarder pisser son chien, voir son peuple voter pour le pire, la plomberie qui pète, les grincements de dents, la dépression, le chant des oiseaux dans le printemps, les jupes des femmes, et leur CUL, mon dieu, leur CUL si rond, si tendre, si accueillant et puis si distant en l’espace d’une semaine, d’un simple mot ! quitter, être quitté, et puis le rire des enfants, l’odeur de sueur à la boxe, les tickets de loto sans gain, le frigo vide, le litre d’essence à deux euros, le chômage, le linge sale qui s’accumule, les livres non lus, les repas à coup de boîte de sardines ou, comme à une époque, avec uniquement des champignons à la crème (t’en souviens-tu Mary ?) à tous les repas. Et puis la joie, les salopes d’une nuit, les poèmes écrits dans les chiottes des bars, les râteaux, les actes manqués, les quelques livres vendus, les chaussettes trouées, les voitures en panne, les politiciens corrompus, le blues, les fringues en plastique et la connerie ambiante, l’aigle qui vole, l’homme qui tombe, les caissières obèses, regarder son enfant se faire courser par les vagues, l’odeur d’une forêt, les cyclistes du dimanche qu’on meurt d’envie d’écraser, les problèmes de dos, les cheveux blancs, le syndrome post-traumatique des soldats, les enfants violés et noyés, la merveille d’un accouchement, une fleur qui pousse au milieu d’une plaque de goudron, les piercing dans le nez et les tatouages au-dessus de la raie du cul, les chiottes bouchés, le manque de pq et d’amour, la poésie, le cancer, la vaisselle à faire, et puis les femmes, leur cul, et puis la bière, le bide qu’on prend, les années qu’on perd, nos héros morts, le suicide, les asiles, la taule, la crasse et l’arc en ciel, et les femmes toujours, et l’alcool enfin, Ô mon Dieu… comme tout ceci me semble tellement plus intéressant à écrire que l’histoire d’un Seigneur des Ténèbres dont il faut détruire la bagouse ! Comme tout ceci est tellement plus vivant ! Donnez-moi encore la possibilité d’écrire bien là-dessus durant des années ! Ne me transformez pas en Musso ou en Tolkien, encore moins en Zola. (et entre parenthèse, j’emmerde Zeller et Dicker ! Leur tronche bien coiffée et leur veste bien taillée me donne envie de vomir !) Par Pitié Seigneur, je préfère encore souffrir mille drames qui d’écrire comme un putain d’homme-soja aseptisé !

Certes, l’envie de la GLOIRE, de la RECONNAISSANCE par mes pairs, d’un peu de fric d’avance et de jolies petites chattes serrées dans des jeans se pointant chez moi avec une bouteille de vin en disant « Hey Miras ! On adore ce que tu écris, tu veux bien nous baiser ? » est tentant. Et sans doute que j’irais, ne serait-ce que pour voir. Mais je sais aussi que je les démolirais, parce qu’un costard cravate qui ne sait pas ce que c’est que de travailler à l’usine ou ramasser des patates, mais qui pense savoir écrire, n’aura jamais mon respect. Sauf si, admettons, lors d’une soirée, je rencontre Dicker, qui a à peu près mon âge. J’avoue que, point de vue scénario, ses histoires sont bien construites, mais ses phrases ne valent pas un clou, or c’est la seule chose qui compte. Tout comme Werber, qui se vante à sa relecture de manuscrit de gommer tous ses effets de style. Et c’est comme cela qu’il est édité. Et c’est pour cela que je ne le serais jamais. Et ne cherche pas à l’être. Ou en tout cas, ce n’est pas à moi d’aller les démarcher, je préfère écrire. Bref, Dicker, si je le voyais dans un cocktail à la con, après avoir bu quelques verres à l’œil et m’être gavé de petits fours, je me battrais bien avec lui, même si je me prends une raclée ! Ouais, me battre avec Dicker et lui froisser sa chemise, j’aimerais bien ça. Zeller lui, n’en vaut même pas la peine. Tout comme BHL en son temps, d’Ormesson ou Onfray. Trop vieux, trop morts, trop pas assez soufferts. Mais Dicker peut encore être sauvé, il ne lui manque que des tripes pour devenir vraiment un des meilleurs écrivains de sa génération. Bordel, pour son bien, rendez-moi célèbre et invitez-moi à ce diner. Je suis en voie charitable ! Sauvez c’mec ! Je veux bien voir Paris à cette condition. Et je promets d’essayer de ne pas partir avec sa femme une fois que je l’aurais envoyé valdinguer sous la nappe de BHL !
oui,
il est 15h18
et je commence à être bourré.
et célibataire
et gras et pauvre et mutilé
MAIS
je ne dis pas ça pour me plaindre
au contraire,
je viens de survivre à la nuit,
et me voici de retour
prêt à vous en foutre plein la gueule,
avec autant de violence et de tendresse
que mon cœur le peut.
Je ne veux pas de votre pardon, je ne veux pas de votre pitié
mais je veux bien de votre femme, ou de votre fille
si elle a l’âge
Et je suis prêt à vous affronter tous
parce que l’alcool donne du courage
parce que je suis en train d’écrire seul et en sécurité
et que le clavier me fait pousser des couilles
mais
sur le champ de bataille de la vie, même abandonné par mes camarades
je me battrai
avec mes mots et mes traumas,
face à vos regards hautains et vos jugements,
même si mes poings sont petits,
mes mains en ont vu plus que la majorité d’entre vous.
Elles connaissent aussi bien le froid, les engelures
que comment caresser une femme.
Demandez-leur, vos caresses ne valent pas les miennes
tous comme vos baisers, vous ne savez pas comment faire.
Parce qu’il faut avoir vécu pour cela.
Vos écrits, votre bouffe, vos bobards, votre culture, vos centres d’intérêts
ne sont pas les miens, et c’est tant mieux pour vous
et tant mieux pour moi.
Parce qu’en toute modestie, même si je me prends en majorité pour une merde,
vous ne m’arrivez pas à la cheville.
Je suis le plus grand écrivain inconnu du XXIème siècle
et dehors les oiseaux chantent.
Et si un jour les Dieux veulent bien m’entendre,
je monterai vous déloger de vos nuages,
et dans ce monde sans vie
la poésie renaîtra.

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