La Chronique du Fond de Cave

Suicide sur canapé

Ce matin, à 6 heures, ma réalité avait la chiasse, une gueule de bois carabinée, la gorge à vif et une profonde envie de me vomir. C’est certainement ce à quoi il faut s’attendre lorsqu’on ne bouffe rien depuis deux jours et qu’on se cartouche la gueule au Jack Daniel’s. Ajoutez à cela le fait que je me suis broyer les dents toute la nuit et vous aurez une idée de la forme olympique tenue par votre écrivain préféré.

Mais à quoi est-ce que je joue bordel ?

Plus je regarde ma vie, plus je me rend compte à quel point je l’ai tordue dans le cynisme et la souffrance. D’à quel point, dans la posture de l’éternelle enfant fautif, je me considère comme mon ennemi. Et que fait-on à son ennemi ? On lui fait en chier bien comme il faut ! Je me traite d’une façon… n’importe qui traiterait mon fils ou un proche comme ça, je lui pèterai la gueule dans la seconde !

Je suis tellement accro à ce personnage qui doit à tout prix survivre, qu’à chaque fois que l’occasion s’est présentée de me faire vivre un truc cool, je l’ai défoncée. Si c’est cool, y’a plus moyen de survivre.

Que n’ai-je fait pour lui donner bien raison à mon personnage de « seul contre tous et que personne ne comprend » ? Ah c’est sûr, je la porte bien ma bannière de victime / héros prompt à glorifier ma petite légende personnelle ! « Hé regarder les gars, j’en chie grave en ce moment (victime) à cause de … (mettez-y ce que vous voulez, L’Etat, l’économie, la guerre, mes parents, les femmes, y’a le choix) mais j’arrive à survivre quand même ! » Il ne voudrait pas une médaille le héros en sus ?

Et dans ce cirque, cette roue de hamster tellement récurrente – si récurrente que l’aveugle que je suis en a les yeux crevés – j’en ai fait bien baver à tout le monde ! Mes parents en premier. Je leur ai donné le pire châtiment qui soi, et je continu. « Ah ouais vous m’avez fait ça, Ben je vais vous punir en n’étant jamais heureux et en galérant toute ma vie. » Par deux fois je leur ai même enlevé leur fils pour le tuer. Une belle crise d’ado, un magnifique renvoi d’ascenseur bien cruel !

Tout ça parce qu’un jour j’ai décider de prendre le parti d’en chier, de ne pas être valable. Il fallait bien lui donner raison. J’en ai marre d’avoir raison, je suis fatigué de ça !

Et ça continue avec les femmes. Mon jeu préféré étant de me rendre compte que je les aime une fois que l’histoire est bien foutue, bien niquée, et qu’il n’y a plus que moi dedans ! Cette douleur, cette aigreur du gâchis, j’ai l’impression que je vais en crever tant j’ai du mal à la respirer. Tant ça tape en dedans !

Éternel ado en révolte perpétuelle contre tout et n’importe quoi, juste pour corroborer les conclusions que j’ai tiré à propos de moi ou de la vie me voici las, seul, pauvre, attendant la mort sur mon canapé tant il est impossible de lâcher ma petite guerre de raison, de m’autoriser d’autres possibles. Mais quand est-ce que je vais avoir envie de la perdre ma guerre ?

Ça vous est déjà arrivé à vous aussi, j’en suis sûr. Vous savez, quand on tient tellement à avoir raison sur un sujet, à cocher la case du « Ah ben tiens, voilà, j’en étais sûr ! Encore une fois ça m’arrive à moi, tout ça à cause de … (victime) », quitte à ce que cette raison soit un perpétuel sabotage. Tout ça pour bien tenir son rôle de survivant. Mais va t’inscrire à Koh Lanta et arrête de te couper l’herbe sous le pied bordel !

Le besoin d’attention… J’en suis à m’exposer de façon tellement pitoyable pour obtenir mon petit d’attention. Mon petit sucre rapide d’énergie.

Maintenant que la merde est bien dans la colle, qu’à peu près tout ce qui devait être foutu en l’air l’a été, comment je la change cette vision de la réalité ? Elle si ancrée, si tenace, si têtue. Peut-être que la réponse est dans le choix ? Est-ce que choisi d’allumer cette cigarette que je viens de rouler, ou pas ? Est-ce que la prochaine fois que je croise une opinion contraire je cherche absolument à l’écraser de toute ma supériorité morale et intellectuelle, afin de bien donner à manger à ce personnage qui veut toujours avoir raison ? Ou est-ce que j’aurais la présence d’esprit de fermer ma gueule ? Est-ce que je vais enfin me prendre tel que je suis ou continuer de me haïr tant que je ne serais pas devenu cet hypothétique et édulcoré moi parfait ou (moi en mieux) qui n’existe nulle part ?

Je suis en vrac les copains. Tout tombe ! Et l’horrible là-dedans c’est de me rendre compte à quel point tout cela est ma création. Y’a pas de fautif, y’a pas de bourreau, ni garce ou connard à aller chercher. Je suis l’unique responsable de ce qui m’est arrivé, depuis le début. C’est dur pour moi de dire ça, mais me voici à poil. Macron, Poutine, Lili, l’inflation, le Covid, le réchauffement climatique, mes propriétaires, le trou de la Sécu, la mère de mon fils, mes parents, mon enfance, ma fragilité, mes excès, mon désespoir, personne n’y est pour rien à part moi. Y’a rien à blâmer, aucune croisade à faire.

À quoi jouer maintenant ?

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