à Dolores O’Riordan.
Qu’y a-t-il dans ta tête
Mort Vivant ?
….
….Quand la majorité des gens ne veut pas mourir, une autre petite partie cherche à savoir ce que ça veut dire « être vivant ».
….Y’a des données de départ… Soit on s’appelle Immensité Blonde Qui Va En Boîte Avec Sa Copine Blonde En Rendant Tous les Mecs Dingo, soit on s’appelle Dingo. Et puis y’a Marc Nada…
….Issu d’une génération à qui on a fait croire qu’elle pourrait planer, Marc Nada avait surtout du plomb dans l’aile… Quand on a du mal à supporter la vie, on se réveille avec le dos et le cou en vrac. Et la douleur est là, tout le temps. Lui erre, clandestin de sa propre vie, sans droit d’asile pour se réfugier…
….Début d’année tropicale, les jours s’écroulent d’un pas de chien…
….La journée a commencé par un refus de paiement. Ça faisait deux mois que Marc n’avait rien touché. Lenteur administrative. L’Administration est toujours lente pour donner les droits, jamais pour prendre les devoirs. Dépassé les 1000 euros de découvert, la banque bloque tous les virements : pension alimentaire, paiements des fournisseurs d’accès (histoire de couler la baraque), mais ne se gênait pas, en revanche, pour prélever de façon totalement arbitraire et hallucinatoire des montants pour « Commission d’Intervention », « AGIOS », « virement refusé », etc… Quand quelqu’un à la tête sous l’eau, pourquoi lui tendre la main alors qu’on peut le couler par profit ? Avec l’argent que la banque s’est fait sur sa précarité depuis quinze ans, Marc aurait pu acheter une bagnole. Pour une banque dite « populaire », c’est beau…
….L’argent… cette merde.
….Une pute reçoit de l’argent pour une passe. Billet vert (c’était une belle passe). Le client est un habitué – un banquier populaire. La pute court voir son dealer pour lui acheter de la coke, histoire de tenir ses nuits. Elle lui refile le billet de la passe. Le dealer, en bon fils, file le billet à sa mère pour qu’elle aille faire ses courses. Elle va à la superette et achète l’équivalent du billet vert, qu’elle file à l’épicière. L’épicière, en bonne mère, file le billet à son fils surendetté. Le fils c’est Marc. Marc approvisionne son compte en banque de pute. Le banquier de la pute désapprovisionne le compte…
….Tout file mais, au final, tout le monde se retrouve avec un solde à zéro. Lorsque tu ne cherches qu’à vivre, tu dois le payer. Puis au moment fatal, tout le monde devra rendre ses comptes…
….Mais pour que cette histoire ait une suite – sans pour autant flinguer la belle démonstration ci-dessus – on va dire que Marc a gardé le billet… et est sorti de son trou pour aller contempler ses contemporains, et payer une dette…
….Lendemain de cyclone. Enfin… cyclone… un gros mistral avec de la pluie. Il fait chaud, l’air est moite et lourd, le t-shirt noir de Marc cache un peu son corps trempé et lui colle à la peau. Le voici donc qui descend la rue Babet. Il va à la cave à vin. Le patron a le bras droit atrophié, un maigre morceau de chair rose pendant vers le rien. Ça arrange Marc, il est gaucher, et dans ce monde de droitiers, tendre sa main naturelle pour serrer une main bien droite – plutôt qu’attendre que l’estropié torde le poignet – est un vrai plaisir.
….— Salut, tu vas bien ?
….— Ouais (menteur !). Je viens te payer mon ardoise.
….— Oh ! J’avais oublié.
….Pas moi…
….Au revoir le billet vert, rendues pièces et rectangles en papier de tailles et couleurs inférieures. Dans ce bar Marc vit Mareva. Il la vit, mais aimerait tellement la vivre… Si elle était irlandaise (et elle pourrait, avec ses cheveux roux, son regard vert, cette gueulante de liberté par tous les pores et ses rides verticales quand elle fronce les sourcils) elle serait une banshee sexy ! Mareva : le rock techno indescriptible dans toute sa splendeur. Marc en avait fait un des personnages de son roman. Mareva n’avait jamais pris la peine de le lire son roman… Une sorte d’Elizabeth Craig, en plus belle et moins américaine… Elle est passée devant lui sans le voir. Déchirure contrôlée, l’âme en table. Puis elle repasse une seconde fois, coup d’œil hésitant. Lui la regarde, scotché à sa peau. Finalement, elle se décide et lui tend la joue :
….— Salut, ça va ?
….Marc est trop bouleversé pour répondre. Il aurait pu lui dire : J’ai tous les défauts de la planète, mais pour toi, et ton éternité, je suis prêt à les retracer. Maintenant que je t’ai trouvé, j’étranglerai le noir du ciel pour te voir l’illuminer. À tes côtés, dans tes sourires, je ne me sentirai plus jamais seul et tu seras plus belle que jamais.
….Vaste programme ! Comme c’est beau sur le papier !
….Simplement, il savoure de la toucher par les poils de barbe. Oui, ça va maintenant, puisque je te respire un bref instant Mareva… dès que je te vois, j’ai plus mal au dos, ni au cou, comme en apesanteur dans une vie pesante. T’es une fille cool, comme j’en rêve miam hummm…
….Avant de crever de sa connerie face à cet artefact plus que putain de déréglant – et comme il n’était plus du genre à s’ouvrir les veines avec une enveloppe – Marc fila dans un bar plus en bas de la rue… Le Toit, son repère.
….— Salut Redj. (Oui, Toit – essayez pas de comprendre, c’est un truc entre lui, la réjouissance et le Toit.)
….Bises poisseuses de mecs en sueurs.
….— Salut mon Marc, ça va ?
….— Honnêtement ? J’en ai marre d’être l’attaché commercial de l’Écrivain Souterrain et… ça t’es jamais arrivé de te sentir totalement à côté de la plaque ?
….— Non… Keskil te faut ?
….— Une pinte, et un shoot de whisky s’te plaît.
….Fallait y aller doucement, Marc avait rencard… avec un retour de karma. Comment vous expliquer ? En la faisant courte : Dix ans en flashback il était sorti avec une fille qui s’appelait Jasmine, la première à avoir voulu de lui sexuellement. Mais il s’était rendu compte qu’à la place du cerveau, Jasmine avait une passoire servant de cible à un concours de tir à l’arc plutôt qu’un processeur high-tech à haute résolution. Il a pris donc sur lui de porter ses couilles et de lui annoncer la rupture. C’était en novembre, dans la montagne, sur un vieux lit deux fois plus haut qu’eux.
….— Jasmine. Écoute, il faut que…
….Le téléphone de Jasmine a sonné.
….— Deux secondes Mon Cœur… Oui… Allô… QUOI ?
….Jasmine venait d’apprendre que sa sœur aînée venait de se suicider. Cachets. Fini le portage de couilles.
….Six mois plus tard.
….Marc a de nouveau posé ses couilles. Jasmine a pleuré.
….— Mais on a pas essayé.
….— Essayé quoi ? J’ai plus envie de toi.
….Marc se retrouve devant un distributeur de boissons (café, thé au citron en poudre, potage, ce genre de conneries). Une fille est là, sublime, toute en taches de rousseur et sensualité, regardant les Doc Martens 18 trous de Marc avec lacets rouge.
….— T’es communiste ?
….— Heu… (bug dans la matrice du mâle).
….Une conversation immense et absurde. Marc la quitte en se disant qu’il a été le plus ringard des mecs. Je raconterai une autre fois comment elle lui a dit « oui », après une pizza dans un plan d’eau, suivant un soleil couchant sur la montagne, un baiser surréaliste et un « ouais » merveilleux à la question « tu veux qu’on se voit jeudi ? ». Cette fille faisait buguer Marc. Nue sous une toile aux motifs africains délirants, le matin, les yeux dans le caca, elle avait une façon de préparer sa compote… et te tenir sa tasse de thé… « Immense » est un mot trop faible pour la décrire… Tenir dans les bras, à en trembler, une fille qui vous plaît, c’est… Ouaouh ! Et en plus elle veut et elle sourit des yeux ? Putain ! Écartez-vous les mecs, le Roi c’est moi, Superman peut aller changer de slip ! Ça n’arrive pas si souvent. À Marc ça lui est arrivé. Puis un jour, ça devait faire deux semaines qu’ils étaient ensembles, le téléphone a sonné :
….— Allô ?
….— Marc, il faut qu’on parle.
….— J’ai plus rien à te dire Jasmine.
….— Je suis enceinte.
….(effondrement de la normalité)
….— Et tu comptes avorter j’espère…
….— Ben je sais pas…
….Jasmine n’a jamais avorté. Marc a sombré, sa bite est devenue molle un temps, et la fille aux yeux de thé l’a cocufié avec une fille aux seins énormes et percés qui aime les chevaux, le tout au Maroc. La fille aux yeux de thé est devenue mère depuis. Que tous les dieux qui existent – s’ils existent – et toutes les énergies, les ondes et les blablabla, veillent sur elle et sur son enfant… Le père a de la chance.
Dix ans plus tard… À dix mille kilomètres de là, Marc était dans le bus. Il y avait cette gamine avec des Doc Martens et des lacets rouge.
….— Excuse-moi, t’es communiste ?
….— Oui.
….La fille lui avait rendu le même regard et le même sourire que la fille aux yeux de thé.
….Donc là, Marc avait rencard avec la fille du bus… Sauf que… Sauf que.
….Lorsqu’elle arriva, deux heures plus tard, Marc était déjà bien éméché. En stationnaire sur le canapé de la terrasse, il respirait les restes d’odeur de ragoût flottant dans l’air. C’était pas la fête, il avait mal au dos. Comme quand les vices de la journée en ont après la douceur de la nuit. Et quand les gros bras l’accaparent. Mais elle, la petite à lunettes gaulée comme une allumette avec une voix de cordes vocales noyées, elle en avait après les cheveux de Marc, les rabattant sans arrêt vers l’avant. Le genre de fille qui pour montrer qu’elle est amoureuse fait chier. Et à la moindre vanne elle le tapait… La séduction dans la confrontation c’était plus son trip à Marc, et il en avait marre, à deux doigts de la main d’un revers de manivelle, une fois pour toute. Une violence silencieuse mais efficace.
….Puis ILS arrivèrent dans le champ de vision. ILS : Paul et sa conquête, la fille qui aime Duras et porte un prénom Balzacien. On va l’appeler Virginie, comme ça, ça fera « Paul et Virginie » et ceux qui connaissent la rue de Saint Denis apprécieront (les autres s’en foutent et ne savent même pas lire). Elle a 17 ans. Mais elle pourrait en avoir 500 que ça serait pareil. La vie n’a pas d’âge quand elle rayonne de beauté. Comment mieux vous la décrire ? Elle est Bamby avant la mort de sa mère. Marc après. Elle a un regard d’allume cigare et le brushing d’une Whitney Houston sous amphétamines. Elle est le cadeau une fois qu’on a viré le chocolat Kinder, une nuit dans un hamac au bord de la plage, une guitare sortie de l’usine avec un double micro en plaquette et un son bluesy. Bref, une rareté de première, une valse avec le Diable. Mais comme le disait une affiche de nanar en 1978, « quand il n’y a plus de place en enfer, les mort reviennent sur terre » (ne cherchez pas, je voulais juste la placer là).
….Bref…
….ILS arrivent et Marc aime bien Paul. C’est un jeune à casquette, le crâne bien propre, loin d’être con, curieux et qui écrit. Une sorte de projection de lui-même, en pas encore foutu, même s’il aime bien s’éclater les phalanges sur les murs pour des connasses. Marc l’envie. Dans l’ensemble, Paul à l’air de savoir y faire…
La conversation se fait à quatre, puis à cinq. Un mec arrive. Raie sur le côté comme tu n’en vois que lors des élections présidentielles.
….— Mais il est pédé ce gars-là ou quoi ?
….Tout le monde éclate de rire. Oui, le mec est pédé. Tant mieux pour lui.
….À un moment, Virginie se retrouve à furer la fille allumette avec qui Marc avait rencard.
….— Elle a mis la langue !
….Marc voit ça sans rien ressentir alors que c’était fait pour l’émoustiller. Puis Virginie parle de Paul :
….— Il arrête pas de refaire Lucchini.
….— C’est ÉnorrrrrMe !
….— Il m’énerve.
….Ben quitte-le ma grande, tu veux que je te dise quoi ?
….Puis Marc parle, du blabla sans constance. Virginie lui balance :
….— Tu parles trop bien ! J’adorerai t’enregistrer pour m’endormir avec ta voix.
….Putain d’ambition cette phrase ! C’est le même vieux film… Heureusement qu’il avait dix ans de plus pour ne pas tomber dans le piège. Quand on a l’amour à la mort et l’âme embaumée, une vie de momie déterrée, le cœur à la rue, collé à la vitrine blindée du marchant d’espoir, avec l’impossibilité de rentrer, ça glisse tout seul ce genre de prétention. Une ambition linguistique à chialer, portée par des yeux de galaxie. L’espoir de LA rencontre est la came la plus dure à décrocher. Si l’espoir fait vivre, il y a pire qu’un espoir déçu, c’est plus d’espoir du tout. Ensuite ne reste que la tyrannie du cul.
….La fille Balzac, voyant Marc démonter toutes ses théories, à un moment, s’est révoltée.
….— Mais t’es un mec génial. T’es beau, t’es intelligent, bats-toi bordel !
….— Le frisson est parti ma douce, mais il s’agit d’une autre chanson. Simplement, j’ai le cœur fatigué.
….Il n’avait pas envie de se battre. En tout cas plus pour une fille. Que ce soit pour lui courir après ou pour l’arracher des bras d’un autre. Un truc simple oui, un foutan géant non. Tous les souffles sont des mots vides et creux. Le romantisme est mort. Ce n’est plus audible des mots du genre « Reste avec moi… Dans les toiles d’un monde araignée, déchirons l’air de nos échos vifs et sauvages. S’il te plaît, reste avec moi… Dans mon cœur c’est Warsaw. Comment déambuler sur cette planète sans toi à mes côtés ? » Avec ce genre d’envie, non seulement la fille ne reste pas, mais elle part au loin dans les bras d’un autre en se moquant…
….La fille allumette s’est manifestée en fourrant ses mains dans les tifs de Marc, ce qui a eu le don de l’agacer.
….— Laisse-moi tranquille avec mes fantômes !
….Virginie a tranché :
….— Vous êtes mignons tous les deux.
….Ah bon ? Ça te plaît les conflictuels qui se tâtent ? Tu sais quoi, t’es belle, t’as de la classe, du charme et t’es cultivée, mais tu me fais chier avec tes compliments à la con. Chaque fois que tu dis un truc comme ça j’ai les oreilles qui saignent. (Big up au département du sabotage ! Tout comme la soif de blues, cette science-là est viscérale. Elle est, elle ne s’apprend pas.)
….Sauf qu’il n’a rien dit. Marc l’a appris, poser ses couilles sur la table ne créer que des ennuis. À qui la faute ? Elle devait surtout en avoir marre qu’il la branche et voulait refiler la patate chaude pour qu’il allume l’allumette.
….Changeons de sujet.
….— T’as un fils alors…
….— Ouaip.
….— Il paraît qu’être parent c’est comme avoir un statut supérieur d’un coup… non ?
….— Non. C’est l’émerveillement. Si une femme te dit qu’elle t’aime, y’a toujours une condition. Si un père te dit qu’il t’aime, il n’y en a aucune. Et puis mon fils, c’est l’Émerveillement dans toute sa splendeur, y’a pas de mot pour le décrire.
….— Tous les parents disent ça.
….— J’en doute. Et puis, même s’il le disent, ils sont à côté de la plaque. Tandis que moi c’est vrai.
….Sourires constipés de Virginie mais confirmation de Paul. Le fils est total et c’est tout.
….Un mec s’est pointé. Il portait ce genre de chemise à créer une entorse au cerveau. Suivi d’une fille au cul rendu carré par son smarphone. Elle portait un haut marinier à dos nu… lacéré par un sous-tif bleu pétrole. Une faute de goût. Pas intéressant.
….La fille allumette est partie.
….Paul et Virginie ont commencé à se bouffer. Marc se surpris à vouloir la même, ça faisait chier. Il en cassa son verre d’un geste brusque.
….— Et chié !
….Marc en avait marre de casser les verres… mais c’est un bon curseur pour le niveau d’ivresse. En allant poser les morceaux et chercher une serviette au comptoir, Marc croisa Corto, le petit joueur de saxo. Avec un nom et une passion pareille, tu veux qui lui arrive quoi de plat à ce mec ?
….Lorsqu’il revint, Paul lui demanda s’il se passait quelque chose entre lui et la fille allumette. Il se passe toujours quelque chose… Mais dans le lapsus de sa tête, Marc lui a répondu que c’était Virginie qui lui plaisait. Et même plus que ça, autant être clair et franc quand on le peut. Mais y’avait pas de lézard, c’était la copine d’un pote et… lorsque la fille se barre – parce qu’avant vingt ans c’est sûr qu’elle se barre – c’est bien d’avoir encore un copain avec qui noyer le détachement.
….Bientôt une heure du matin. Le Toit a commencé à se fermer et Marc bien entendu, fut pris d’une envie de pisser. Sauf que la serveuse avait frotté le sol…
….— J’enlève mes chaussures et j’y vais en chaussettes si tu veux.
….— Non !
….— Mais t’es une garce !
….C’est vrai que même pris au dix-huitième degré ce n’était pas très gentil. Mais de là à entendre Redj dire qu’il l’avait traité de salope…
….Ruade dans la rue et vidange de vessie pressée près de la salle de sport. L’air et lourd et l’alcool fait tanguer. Virginie et Paul dansent sur le trottoir.
….— Bon, on va au Sham ?
….— Pourquoi pas…
….Le Sham… un sacré bestiaire : Videurs genre bœufs Charal en voie de fabrication avec le regard perdu en quête d’objets contondants, filles au cul gaulé comme une arrière de Cadillac, les yeux vitreux d’alcool, foule écrasée, odeur de parfums si forte qu’on pourrait la bouffer, échantillon de bière à prix d’or. Une humeur de nuit apparentée, à part entière, avec sur tout ça le règne d’une impolitesse constante.
….Mais qu’est-ce que je fous ici ?…
….Heureusement il l’a vu, elle, la beauté antique, Delphine.
….— C’est quoi cette coiffure de plouc ?
….Une phrase à faire passer les premiers gloutons de ton fils pour du La Fontaine… Salut à toi la Speedy Gonzales du claquage de mâchoires… Bien odorante ta remarque. Surtout qu’on avait dit pas le physique ni les vêtements. Et puis c’est vrai que ce mec-là s’aime tellement que ça vaut le coup de le descendre un peu d’entrée de jeu… Il ne suffit pas d’aimer un homme pour le sauver, mais un regard, un mot, peuvent le mener à sa perte. D’autant plus facile comme cible lorsque l’on sait grâce à une chronique qu’on lui plaît. On ne peut pas tout le temps péter la classe… « Les gens se vengent des services qu’on leur rend. » Mouais…
….Cependant, c’est vrai, Marc est un plouc, comme beaucoup. Est plouc celui qui n’accepte pas le jeu. On pourrait trouver ça cool mais, de la part d’un homme de bientôt 35 ans, c’est ridiculement puérile. Marc n’est rien. Un beau causeur pour gamines, c’est tout. Il parle bien, c’est vrai, mais ses phrases hyperboliques ne sont là que pour cacher la merde exaspérante qui sort de sa bouche. Un perdant non magnifique, un résidu d’étron séché constamment à côté de ses pompes et des gens. Une vie noyée dans le blabla et les sourires constipés, une dystopie cérébrale constante. Petite nature !
….Marc sourit, mais dans le cœur c’est la dague.
….— Tu sais je ne te retiens pas, tu peux partir passer ta soirée ailleurs…
Paul arrive à la rescousse, Delphine prend Marc par la main et l’entraîne à part. Et elle parle, et elle parle, et lui se tasse sous chaque petite bombe posée par ses mots.
….— Mais c’est dommage parce que…
….Ça y est, elle va dire un truc gentil… Non, elle se retourne et elle part. Comme ça, fini. Elle est partie quand elle le voulait, au meilleur moment pour un massacre.
….Les filles de cette race n’en ont rien à carrer du mal qu’elles peuvent faire. Est-ce qu’elle en voulait à son intégrité émotionnelle ? En tout cas Marc en voulait à son intégrité physique d’une façon salace et blues en même temps. Le genre gorge profonde, claquement de fesse en levrette et récitation de Baudelaire. Mouais… Un pot-pourri de sexualité bas de gamme. Mais bon, on va dire que tout le monde était bourré… on trouve toujours des excuses aux bourreaux, une sorte de lâcheté fringuée de bons sentiments.
….Et toujours ce mal au dos à peine soulagé par l’ivresse…
….Il voit Phèdre ensuite, en train de danser. Son boule aurait fait s’effondrer un homme tant il bougeait bien.
….La nuit défile, imparfaite et glaçante, avec aucune chance de causer sans être zappé.
….Paul et Virginie veulent se barrer.
….— Vous voulez que je vous ramène ?
….— Elle a pas confiance.
….Lorsque l’ironie se transforme en cynisme, on voit des sous-titres qui n’existent pas. Avec son sourire merveilleux, cette fille lui disait d’aller à la mort tranquille, mais qu’elle ne l’accompagnerait pas. Ok les enfants, rentrez bien, vous êtes beaux et je vous envie.
….Marc aussi aimerait aimer… Juste un peu, pour voir, pour se rappeler comment ça fait d’être attaché. Finalement Fiodor avait raison. L’esclavage est préféré à la liberté. La liberté n’est qu’un abîme béant de solitude, tandis que certaines chaînes peuvent rendre heureux.
….La gorge cramée d’alcool et de clopes, Marc se rua au bar prendre un dernier verre… Le barman ne servait plus.
….Comme un clou chasse l’autre, Phèdre est arrivée et, en pas longtemps, Marc lui roulait un palot. Un baiser putassier au possible, une langue d’escargot molle et visqueuse. Rocco dirait à ses 10 642 femmes qu’on touche le fond. L’avidité libidinale est proportionnelle à la médiocrité.
….En réalité, tout ça, c’était pour éloigner un mec qui la collait. Le mec est venu, le Dingo de notre histoire. Le temps que Marc le désamorce, Phèdre et Delphine étaient parties. Le mâle protecteur avait été laissé sur le parquet, abandonné. C’est comme ça la vie. La moitié du temps on se sent merdeux et l’autre moitié on fait de la merde…
….Le jour allait se lever et du billet vert il ne restait que deux pièces…
….Laissez tomber, Marc a le cœur qui pue.