Une de la semaine

Chronique Souterraine #27

….Franck était en train de jouer à se muscler le pouce avec sa vieille Mégadrive lorsqu’elles entrèrent dans son magasin. Cinq bombes atomiques à peine majeures. Déjà qu’il faisait chaud ! Il y avait là tout un assortiment coloré pour collation nocturne : une brune bien blanche, une blonde bien bronzée, une rousse flambée, une noire et une chinoise, toutes bien gaulées et très comestibles. Un parfait casting pour les productions AB.
….Franck afficha son plus beau sourire commercial.
….Franck avait trente-cinq ans et était célibataire.
….« Bonjour Mesdemoiselles. »
….« Bonjour Monsieur. »
….« Je peux vous renseigner peut-être ? »
….« Vous avez des maillots avec des strings ? »
….« Les strings et les tangas sont droits devant vous, juste à côté des paréos, je vous laisse regarder et vous me faîtes signe si vous avez besoin de moi d’accord ? »
….« Ok. Merci Monsieur. »
….Tout en papotant dans l’aiguë, les filles choisirent leur maillot. Franck lui, faisait semblant d’espacer les t-shirt cintrés sur le rayon derrière.
….Le magasin de Franck était tout petit et bien chargé en fringues. Ainsi la cabine d’essayage se limitait à un rideau accroché à une petite tringle fixée dans un angle. Motif feuilles de jungle fluo. Y’avait assez de place pour une personne, à deux déjà, on se tenait serrés. Qu’à cela ne tienne ! Les filles, dans l’impatience de leur jeunesse, se déloquèrent et essayèrent leurs petits bouts de tissus directement dans le magasin, sans pitié pour le maître des lieux. Puis, devant le grand miroir à l’extérieur de la cabine, elles se comparèrent les culs et les couleurs. Difficile de choisir tant tous étaient beaux.
….Les yeux de Franck, déjà bien rougis par la fréquence du tube cathodique eurent du mal à ne pas clignoter.
Après quelques éclats de rires et la contemplation sous tous les angles de leurs pare-chocs arrière à faire tousser les échappements, les filles rejoignirent Franck à la caisse pour payer leurs maillots. Planquée derrière le comptoir, sa demie devenait de moins en moins molle. Et il était à peine dix heures…

….Plus tard dans la journée, un couple entra, la quarantaine encore dynamique. Pareil, la femme voulait essayer des maillots tanga. Ça marchait bien ça les tangas. Tout un problème d’époque et de culture : ce que les femmes paumaient en tissu, les hommes devaient le trouver en contrôle. Si la recherche était infructueuse, on appelait ça du harcèlement sexuel, amende à la clef. Que voulez-vous, parfois la rhétorique législative n’est qu’une affaire de mode.
….Tandis que Franck – en bon commerçant – parlait de tout et de rien avec le mari, la femme sorti, saindoux à l’air, pour aller se reluquer le string dans le grand miroir. Franck lui tournait le dos tout en blablatant avec le mari qui lui, la fixait tout en faisant de l’œil à Franck. Soudain le mari saisit Franck à l’épaule et le força à se retourner pour admirer sa gonzesse.
….« Elle est bonne hein ? »
….« Oui elle est charmante votre femme. »
….« Ça te dirait pas de la sauter pendant que je regarde ? »
….Il arrive des moments dans la vie où d’un coup, tout ce qui se passe de réel autour de vous s’effrite. Franck en était là. Il y eut un petit flottement dans son cerveau. Même si ce n’était pas trop son truc, le célibat et le besoin d’expérience, vous savez ce que c’est. Après tout, en se bourrant la gueule pourquoi pas ? Souvent, la moralité y perd ce que l’ébriété et la curiosité y gagnent. Mais…
….« Non merci, j’ai du travail. »
….« Plus tard si tu veux. Pas forcément dans ton magasin. Passe un soir à la maison, tranquillement. »
….« Non merci. »
….La femme retourna dans la cabine, se changea, et le couple parti sans acheter le maillot.

….Dix-huit heures, la nuit tropicale qui vient. Franck avait quasiment baissé le rideau de fer jusqu’en bas lorsqu’elle se glissa furtivement dessous. Elle : la jolie trentaine, blonde avec les cheveux à peine bouclés comme on aime tous, armé du genre de sourire à faire tomber amoureux dès le premier regard. Un vrai yo-yo des cœurs.
….« Oh, pardon ! Vous fermez ! »
….« Non, ce n’est pas grave, je peux vous renseigner ? »
….La journée de Franck avait été très moyenne, une vente de plus était la bienvenue.
….« Et bien… je suis assez intéressée par un maillot… ou un paréo… je sais pas trop en fait. »
….« Les deux sont rangés à côté, alors regardez-ça tranquillement. »
….La femme trotta magnifiquement jusqu’au rayon. Franck lui, débrancha sa console, éteignit la télé et commença à compter sa caisse.
….« Vous êtes en vacances où vous habitez sur l’île ? »
….« J’habite ici depuis un an. »
….« Et vous vous y plaisez ? »
….« Oui, même si je m’ennuie un peu. »
….« Comment une fille comme vous peut-elle s’ennuyer ? »
….« En ne voyant pas son mari depuis trois mois, il travaille à l’étranger. »
….« Oh… »
….« C’est très joli tout ce que vous avez-là. »
….« Merci. »
….Franck ce dit que le plus joli était ce qu’il n’avait pas.
….« Bon… je n’arrive pas à me décider. Je reviendrai plus tard. Merci et bonne soirée. »
….« Bonne soirée à vous. »
….La femme virevolta dans un sourire et sorti. Franck ferma définitivement le rideau derrière elle.
….Le lendemain fut plutôt normal, quelques jolies filles, pas de couple de tarés, deux ou trois vieilles liftées et une petite visite du fils mongolien du commerçant d’en face. Rien de palpitant, même dans les ventes. Mais lorsque Franck baissa le rideau, devinez qui se glissa dessous de nouveau ?
….« Tiens… bonjour. »
….« Bonsoir. Encore désolée, je ne vous dérange pas ? »
….« Pensez-vous ! Alors, vous avez choisis ? »
….« Pas vraiment, je peux encore regarder ? »
….« Je vous en prie »
….Du bras Franck lui montra la direction du rayon. Cette fois il resta près d’elle, et ils se mirent à discuter. De tout, de rien, d’elle. Elle remarqua la cartouche du jeu Flashback encastrée dans la Megadrive. Franck fut étonné qu’elle connaisse. « Bien sûr ! ». Elle le connaissait par cœur même. Au pixel près. « En fermant les yeux je peux jouer ! Trois pas : sauter. Encore quatre puis ramasser. Etc. J’adore la fluidité de ce jeu, un des premiers en motion capture je crois. »
….Elle avait vraiment un beau sourire. Mais elle partit encore une fois, sans rien acheter, tout en privilégiant l’idée du paréo.
….« Je reviendrais une prochaine fois…peut-être pour jouer une partie… »
….« Quand vous voulez. »
….« À bientôt alors, bonsoir »

….C’était la vie
….maintenant nous allions faire ce qu’il fallait
….faire. J’allais faire ce qu’il fallait faire
….après tout ce baratin

….Franck, dans l’esprit du poème, ce dit qu’il fallait pas la lui faire et prévit tout pour le jour suivant – car elle reviendrait le jour suivant, c’était acté. Il baisserait son rideau, elle passerait furtivement dessous, il aurait l’air étonné et ravi et baisserait encore un peu le rideau. Ensuite elle choisirait un paréo et elle lui demanderait s’il connaissait différentes façons de le mettre. Bien entendu Franck en connaissait des dizaines. Alors il l’enroulerait autour de sa taille et, au moment de lui nouer le tissu autour du cou, au moment où ils seraient bien proche, il l’embrasserait. L’avantage c’est qu’ensuite, une main suffirait pour dégager tout le tissu… Le plan était parfait.
….Et le lendemain soir donc, un jeudi mortel d’ennui, à la toute fin de la course du rideau de fer, elle apparue, radieuse.
….Elle ne portait qu’un petit short en jean et un maillot beige en guise de soutient gorge.
….« Oh quelle surprise ! Bonsôar. »
….« Bonsoir. Encore désolée, j’arrive toujours quand vous fermez. »
….« Y’a pas de mal. Alors vous êtes décidée ? »
….« Oui… je crois que je vais prendre un paréo. »
….« Je vous laisse choisir, vous connaissez le chemin. »
….Franck la laissa choisir, elle connaissait le chemin. Elle en regarda plusieurs puis se décida pour un paréo bleu azur. Un excellent choix.
….« Dites, sans vouloir vous déranger… vous ne connaissez pas plusieurs façons de les nouer ? »
….« Pensez-vous ! C’est mon métier. »

….nous allions dormir ensemble
….cette nuit-là
….en tentant de nous fondre
….dans le papier peint du mur.

….Franck s’approcha d’elle, saisit le tissu et lui enroula la taille, l’attirant un peu à lui. Elle se laissa faire. Puis il croisa le vêtement par devant, couvrant ses seins, s’approcha pour le nœud final derrière la nuque et là il…
….BLOM ! BLOM ! BLOM !
….Grands coups de poing sur le rideau de fer !
….« Franky t’es là ? C’est moi ! Ouvre ! »
….C’était Régis, son associé.
….Franck était là, comme un con, les bras autour du cou de la fille et la bouche en suspens. Elle aussi en avait envie.
….BLOM ! BLOM ! BLOM !
….« Mais tu fous quoi bordel ! »

….j’ai essayé, j’ai échoué
….et je me suis absorbé dans la contemplation
….de ses cheveux
….principalement de ses cheveux
….avec quand même
….une variante
….sur ses narines porcines.

….Franck la regarda encore un peu, essayant d’imprimer le plus de détails possible, sachant que jamais il ne la reverrait d’aussi près. Puis il défit sa presque-étreinte et alla remonter le rideau. Régis se baissa pour passer puis, d’un œil, devina la scène.
….« Oh désolé je tombe mal ? »
….« Ça on peut dire que t’as le secret du timing. »
….Les yeux de Franck étaient noirs de meurtre. La couleur du désir scalpé.
….La femme partit avec son paréo et son sourire gêné. Elle repassa sous le rideau pour la dernière fois.
….Franck s’alluma une clope et passa derrière le comptoir.
….« Bon, maintenant que tu m’as niqué ma soirée, tu veux quoi ? »
….Régis sorti de sa poche un billet de cinq cent.
….« Tu peux me faire la monnaie ? J’ai rencart dans un club ce soir, un plan à trois avec un couple de quadras.»

2 thoughts on “Chronique Souterraine #27”

  1. Bitsch Alexandre

    Cela me rappel les histoires de la jeunesse perdues d’un ami, à vous deux faites des scénarios pour les pornos

Répondre à Bitsch Alexandre

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