En cette fin de matinée de juin, Émilien sorti de son cabinet d’hypnothérapeute, ferma la porte, et longea la rue donnant sur les berges du petit port de plaisance. Terminares, plus de patient avant deux jours. C’était toujours pareil cette histoire d’oseille. L’argent… y’en avait toujours un temps, mais ça ne tenait jamais vraiment dans la durée. Dès qu’il en rentrait, il en sortait autant dans la foulée. L’abondance n’était jamais durable. Tout comme ses histoires d’amour et sa joie, il s’en rendait compte. Certains matins, il se levait avec du soleil plein le cœur, puis, au milieu de la journée, une immense vague de tristesse le prenait. Ou l’inverse. Une sorte de cyclothymie bizarre.
« C’est ce qu’il se fait, qu’il se disait, c’est la vie ».
C’était la même avec son corps : durant une période, il se sentait léger, souple, pouvait danser des heures sans n’en ressentir aucune fatigue, et ensuite, ses muscles, son squelette entier se tendait comme un arc, se comprimait, à lui en faire pleurer de douleur, presque incapable de bouger. C’était le retour de conscience de son accident, celui où il était passé de l’autre côté, enfin… C’est ce qu’il croyait. Comme la réactivation d’un mode « survie » planqué dans une ombre qu’il n’avait pas encore su explorer totalement.

Dernièrement, les évènements de la vie d’Émilien se déroulaient dans une sorte de chaos magnifiquement structuré. Y’a un peu plus d’une semaine il avait terminé sa dernière peinture représentant une femme brûlée et un homme assis à son chevet. À peine les pinceaux lavés son meilleur ami l’avait appelé pour lui demander un coup de main : une chaudière de gymnase à démanteler. « Deux jours de travail, facile, tu prends quatre cent balles ». Comme il n’avait aucun patient, il accepta, ça mettrait du beurre dans les épinards. Deux jours de démontage…

La chaudière était un monstre d’acier et d’inox d’environ deux tonnes, entièrement soudée et jointée d’amiante. Eux qui pensaient y aller tranquillement à la clé à choc, c’était parti pour une grosse session disqueuse et chalumeau. Une galère dans la fumée, l’ombre et le feu sur fond de Jazz Radio.

Le second jour, dès la première heure – et ce malgré ses lunettes de protection – Émilien se prit une gerbe de métal incandescent au coin de l’œil.Dès lors, son œil n’arrêta pas de pleurer, la cornée était touchée, mais ça allait. Têtu, il refusa d’abandonner le travail. Son monde bascula dans d’étranges perceptions. Des sensations nouvelles, presque paranormales. Comme si… il fusionnait avec le monde. Une alliance particulière, la combinaison d’un extrême ancrage lié à la sensation de flotter. Ses émotions aussi étaient confuses, un vrai potage à base de colère, de tristesse, de frustration ; le tout épicé de joie et mijotant au cœur d’une profonde sérénité. Pourtant… quelque chose freinait… comme un sprinter sur la ligne de départ, dont le pied serait lesté, collé au starting-block. Son œil ouvert se posa sur la carcasse d’acier de la chaudière découpée, débarrassée à l’extérieur du local. Émilien eut comme l’image de voir sa propre armure intérieure être démembrée, là, sous ses yeux, dans le feu et la fumée de ses émotions. Il repensa à son dernier tableau…

Vers la fin de la journée de travail, alors qu’il était en équilibre en train de disquer une des parois, une plaque de métal bascula et vint l’entailler derrière la cuisse. Propulsé dans l’instant présent, Émilien poussa un cri. « La fémorale qu’il se dit, je vais mourir ! ».  Il lâcha la disqueuse et se serra la cuisse, s’accroupi et attendit de voir le sang ruisseler entre ses doigts. Mais… rien. Plus de peur que de mal. Simplement un pantalon bousillé et une petite entaille légèrement rougissante. « T’inquiète – lui dit son pote Franck, ancien soldat – j’avais le garrot dans le camion, tu n’serais pas mort ». Les deux amis rirent un bon coup. Ouf ! Borgne et saigné le même jour, cela aurait fait beaucoup.

Ce soir-là, prendre la route afin de rentrer chez lui, après 45 minutes de bouchons et de voie rapide, avec son œil qui le grattait et n’arrêtait pas de pleurer, cela s’apparenta à une mission suicide, mais il y parvint.

Après une bonne et longue douche chaude, Émilien, claqué, alla directement se coucher. Dehors, le ciel s’assombrissait, l’orage menaçait, ils annonçaient une tempête à la « mets tes hauts ». Il fit de nombreux cauchemars, rêvant d’une bataille dans des catacombes, lors d’un autre temps. Lui, effrayé, fuyant la bataille, se retrouvait piégé dans le noir et senti une lame passer sur son cou et l’égorger. Réveil en sursaut ! Nuit noire, sueur ! Perdu un peu dans ses repères, il tendit son bras pour saisir son téléphone : 1h11. Il ferma les yeux et se rendormi, les rêves reprirent… Ce fut cette fois des visions d’orgies salasses, lui qui embrassait un homme, bandait. L’homme insistait pour qu’Émilien lui fasse une pipe, mais il refusait, ça lui donnait envie de vomir. Et puis il y avait Elle au milieu de tout cela, en train de lui hurler dessus. Elle… avec qui il avait cessé toute communication. Un éclair le tira de son sommeil. Putain quelle nuit ! C’était quoi ces délires !? Machinalement, il regarda l’heure : 4h44. Dehors, la pluie mêlée de grêle battait son plein. Pourtant, une lumière éclatante traversait la fenêtre. Émilien se leva, alla boire un verre, regarda un instant la Lune pleine qui brillait, traversant un trou que les nuages avaient laissé là. Il était partout sauf ici, ses pensées partant dans tous les sens, entre ses rêves, sa journée, son passé et ce qu’il devait préparer pour l’avenir. Il les laissa faire. Au bout d’un instant, il alla se recoucher, tentant de se rendormir. Son dos lui faisait mal, horriblement mal, ainsi que son œil, et sa cuisse. Il parvient finalement à retrouver le sommeil et, dans son rêve suivant, il la revit, Elle, ils étaient dans les bras l’un de l’autre, se souriaient, se réconciliaient.

Au réveil de cette étrange nuit, en préparant son café, Émilien se rendit compte que sa box internet avait été bousillée par l’orage. Les communications… C’est là qu’il se rendit compte à quel point il était dépendant des écrans. Ne pas être « connecté », ce qui était normal durant son enfance, avait créer là une sorte de malaise, tout en le paralysant un peu pour le boulot. Puis, la semaine passant, il s’y était fait. Et, après la valse des techniciens ne trouvant pas la panne, suivie de la gabegie des services clients branchés sur IA, il réussit enfin à avoir un vrai être humain au téléphone, et… si tout allait bien, il devrait recevoir sa nouvelle box d’ici un ou deux jours.

 

Ce soir-là Émilien fut invité chez Carla, sa voisine italienne, devenue une amie, pour manger une pizza, évidemment. Une Ludo qu’elle lui avait dit, sa préférée, avec du jambon cru, du basilic des copeaux de parmesan et des câpres. Comme – restriction budgétaire oblige – il n’avait pas mangé depuis plus de vingt-quatre heures, il ne se fit pas prier pour accepter. Carla avait un fils de douze ans, Nicolas. Nicolas était autiste. Ça le rendait parfois très chiant. Il adorait se balader à poil, ou presque. Malgré son jeune âge, il montrait déjà une pilosité remarquable. Entre lui et Émilien, c’était un peu un rapport de chien et chat, d’amour répulsion. Émilien plaisantait avec lui mais Nicolas ne savait pas s’arrêter, aussi, au bout d’un moment, il fallait poser des limites, et Nicolas se vexait puis partait bouder. Là ça allait, les pizzas et la compagnie étaient bonnes, Nicolas jouait sur sa tablette tandis qu’eux discutaient et riaient.  Sauf qu’à un moment donné le petit s’est mis à chahuter, à vouloir capter l’attention. Un fois « stop », deux fois « stop », à la troisième, Nicolas escalada le canapé, en slip, et vint s’allonger sur le dossier, dernière la tête d’Émilien. Celui-ci se leva d’un bond. « Non mais qu’est-ce que tu fais, ça va pas ? Tu me cales ta bite derrière la tête, comme ça ? ». Surpris, apeuré, Nicolas fila dans sa chambre tout pendant qu’Émilien se rendit compte instantanément de sa réaction. Il s’excusa auprès de Carla, il irait voir Nicolas pour faire la même, passé un moment.
« Ça va, c’est rien ma… tou a été touché petit garçon ?
– Non, jamais.
– C’est bizarre, tou a ou la même réaction, yé déjà vou ça, avec le père dé Nicolas. »
Alors Émilien se remémora son rêve… Et il se demanda… Est-ce que ça aurait pu lui arriver ? Et qu’il n’en ait aucun souvenir ? Pfff, des conneries ! Ils continuèrent la soirée, l’ambiance se détendit et, à un moment, il alla s’excuser auprès du petit, qui n’osa pas le regarder, alors, après avoir dit bonsoir, il s’en alla.

 

Il en était donc là, au début de notre histoire, après quelques jours passés, prenant le soleil de midi tout en respirant l’air iodé de la mer, repensant à tout cela. Ça ne lui ressemblait pas ces colères… Il avait besoin de faire le point ou plutôt… de s’évacuer les idées, et les sensations. Aussi, au lieu comme à l’ordinaire de prendre sa voiture pour rentrer à son appartement, Émilien décida de marcher le long de la route. Sa voiture était très bien sur le parking à côté du cabinet et elle pouvait bien y rester un jour ou deux.  Émilien aimait cette promenade, malgré le bruit des voitures passant tout près. C’était une grande ligne droite bordée par les salins et le sable, empruntée d’ordinaire par les cyclistes et les joggers, et quelques promeneurs aussi, avec ou sans chien, des boomers pour la plupart (les gens, pas les chiens). Cependant, ce n’est pas exactement ce qu’il fit ce jour-là. Sans trop savoir pourquoi, en se laissant aller, comme possédé par un esprit enfantin, il se mit à faire le funambule sur la rambarde de bois longeant la départementale conduisant à la presqu’île. Chose étrange, il l’imagina Elle, faire cela, le jour où, il y a longtemps, elle était venue exprès pour le voir et où lui, avait priorisé de l’éviter, préférant voir son cousin, en visite dans le coin. C’était un 6 juin. C’était… Aujourd’hui. Émilien, les bras écartés, marcha ainsi le long de la route, le cœur surpris de ce qui émergeait dans son esprit. Dans la poche arrière de son jeans beige, le téléphone sonna. C’était un message de Nathalie, sa compagne. Il ne répondit pas.

Sa promenade finie, il rentra dans sa petite supérette habituelle s’acheter une bouteille d’eau. Il aperçut sur un des rayons ces bonbons légèrement piquants dont il raffolait. Il se laissa tenter un instant… et puis non, il n’en avait pas l’argent. Au lieu de cela, il acheta des citrons et des haricots verts. Il lui restait un morceau de magret de canard chez lui, cela irait bien ensemble. Pour ce midi, il s’abstiendrait, économies obligent… Émilien paya puis rentra chez lui, dans son lotissement meublé. Il commençait à faire chaud déjà, l’été arrivait.

Home sweet home ! Il remplit tout d’abord la gamelle du chat. Ce n’était pas vraiment son chat, plutôt le chat du quartier, mais comme il venait squatter… bref, ça se faisait comme ça. Fourbu, Émilien s’écroula sur le canapé. Il se sentait vidé de toute énergie ces derniers temps, sans trop savoir pourquoi. Sans trop chercher non plus pourquoi. Mais ça durait… Depuis quelques mois, lui d’ordinaire prompt à être connecté à sa joie – et à cette façon qu’il avait presque de la cultiver comme un masque, une injonction, en se disant qu’un jour, à force, ce masque deviendrait son visage et son état permanent –  se sentait comme si le robinet d’accès à ce chemin-là avait été comme « coupé » et… sans trop en faire de cas, c’était pas évident.

Comme une sensation de vide étrange, inexplicable, insondable. Certaines pensées, certains souvenirs, revinrent à son esprit, des bribes de conversations passées. Il les chassa, se leva d’un bon, pas question de se faire happer par cela ! Il alluma son téléphone, mis ses écouteurs et commença à danser sur une chanson qu’il aimait. Jai Ambe, de Sati Ethnica. Tout pendant que la mélodie envoûtante s’insinuait dans ses oreilles, il ferma les yeux, et laissa son corps aller, malgré la douleur, à s’enivrer et tanguer au rythme du morceau. Un nouveau message de Nathalie l’interrompit, elle souhaitait le voir mais lui, n’en avait pas envie, il voulait être seul. Il s’entendait bien avec elle, il voulait que ça marche. Durant un temps il a même cru qu’il en était amoureux, qui avait trouvé quelque chose dépassant l’amour, se racontant que l’amour passait. Mais… quelque chose qu’il n’avait pas encore vu, comme un fonctionnement ancien, revenait, et de cette relation, son cœur s’éloignait, il n’arrivait pas à en capter l’attention. Depuis quelques temps maintenant, il repensait à Elle, à Fabienne. Pourquoi ? Il n’aurait pas su se l’expliquer. La dernière fois qu’ils avaient été en contact, ça avait plutôt bardé, et il avait coupé les ponts, une fois de plus. Émilien se disait qu’elle devait le détester.
Fabienne…  
Fabienne était son ex.
Faux ! Fabienne était autre chose.
Fabienne était… c’était Fabienne. Celle qui arrivait à le trigger comme personne, presque comme un super pouvoir qu’elle avait : celui de lui montrer tous ses disfonctionnements, là où il avait encore les yeux cerclés de merde alors qu’il se croyait clean. Un vrai détonateur, capable comme personne de le faire disjoncter. Et… ensuite, il n’avait plus de jus. Son système de survie alors, à lui, c’était de fermer toutes les écoutilles et de foncer, droit devant, dans sa vie, tandis que celui de Fabienne était de lui courir après, le cœur brisé, bon à ramasser à la petite cuillère. Pour lui l’action avant la raison, agir d’abord, les émotions viendront ensuite… là où il le savait, Fabienne, elle, se sondait de l’intérieur, incapable de bouger.

Aucune femme au monde ne l’avait jamais regardé de cette manière. Comme si elle voyait et aimait bien autre chose que ce qu’il semblait montrer. Quelque chose dont lui-même n’avait peut être pas conscience.

Depuis qu’il avait fait sa rencontre, sa vie n’était plus la même. Quelque chose avait changé, plus rien ne serait jamais comme avant. Comme une sorte d’éveil, comme si sa vue, ses sens, étaient passé de la qualité d’une vieille cassette vidéo à celle d’un écran haute résolution. Il avait cru avoir trouver LA bonne avec elle, mais… très vite, les choses s’étaient gâtées. Aucuns d’entre eux n’arrivaient à tomber les masques dissimulant leurs blessures et, au lieu de se les caresser, ils étaient passés experts dans l’art de se poignarder. Et pourtant… ils s’aimaient. Lui, en tout cas, gardait d’elle le souvenir d’une immense tendresse.

C’est lui qui était parti, comme ça, de loin, par un sms, tétanisé par ce qu’elle déclenchait chez lui. « Je veux être seul », c’est la seule chose qu’il a pu lui dire, dans un murmure. Depuis, lui, avait eu d’autres histoires, mais il n’avait jamais vraiment réussi à couper totalement le contact. Même après des silences de plusieurs mois, ils se parlaient comme s’ils s’étaient quittés la veille. Mais pour lui, c’était terminé. Fabienne, elle, y croyait toujours. Par déni de le laisser partir, elle était entrée dans un trip New Age délirant, comme quoi leurs âmes étaient liées, du bullshit en barre ! Et… à lui, ça lui foutait les jetons, en plus de l’étouffer ! Il ne croyait pas du tout à ces choses-là et même, n’en avait rien à foutre. Pour lui, l’âme, ça n’existait pas, il n’y avait personne. C’était sa vérité à lui, elle n’était ni meilleure ni pire que celle de Fabienne, simplement différente, car les vécus étaient différents, bien que souvent semblables lorsqu’ils en parlaient, seules les blessures étaient parfaitement symétriques. Ça, il le reconnaissait, il y avait un truc, entre elle et lui, qu’il n’avait jamais vécu avec personne d’autre, ni avant ni après. C’était innée, dès les premiers mots échangés, les premiers contacts. Quand ils faisaient l’amour, lentement, c’était comme… l’observation profonde de la même vibration.

Mais Fabienne parlait beaucoup, avait besoin de beaucoup d’explications, décelait la moindre parole qu’elle pensait incohérente et s’engouffrait dedans. Elle s’était forgée une identité dans la souffrance, d’artiste maudit, comme une confusion entre la profondeur et le malheur, comme si le bonheur était moins bon artistiquement et, sans s’en rendre compte, elle créait des drames là où la tempérance aurait été de mise, et ça flinguait tout ! Mais, niveau amour, y compris sexuelle, et dans la complicité, l’intensité des rires et des échanges, personne ne lui arrivait à la cheville, personne ! En sa présence, dans le bon comme le mauvais, tout était complet, intuitif. Le problème, c’était la communication. Les non-dit et les sabotages dans les deux camps ont tous fait foirés. Pourtant, quand ils étaient ensemble, même à distance, une osmose se créait, qui les dépassaient.

Bref, ils étaient passés malgré eux expert dans le chic de réactiver les blessures qu’ils avaient en eux, mais aussi les joies. Sauf qu’à un moment, verrouillé, Émilien, des joies, il ne voulait plus lui en donner tant que cela, plus avec elle. La possibilité du revers de la médaille lui faisait trop peur. Car, au lieu de s’adresser à la blessure, des deux côtés, il était plus facile d’adresser des reproches. Le potentiel de l’évidence d’un bonheur partager dans l’évolution commune n’avait pas tenu le coup face aux peurs à dépasser lors des discordes. Émilien avait préféré couper, et recommencer ailleurs, et encore ailleurs, et encore ailleurs, là où Fabienne s’accrochait. Le contrôle… chez l’un dans la fuite et le rejet, chez l’autre dans le maintien, par peur de l’abandon. La même pièce, visible sur ses deux faces. Fabienne était intense, lui aussi, mais il n’en voulait plus de cette intensité.

La dernière fois qu’il s’étaient parlés, ça remontait à un bail maintenant. Émilien était avec une autre femme, avant Nathalie. Il s’y sentait bien dans cette relation aussi, parfois insécure, mais ça allait. Enfin… Fabienne s’était repointée à un moment où il n’allait pas fort – comme si elle l’avait senti, ou qu’il l’avait appelé – et… faut bien dire ce qui est, il était heureux d’être à nouveau en contact avec elle. Elle le faisait rire, et le touchait comme personne. Ça avait duré quinze jours entiers. Du matin au soir, ils échangeaient rire, pleurs, musiques, vidéos, blagues, colères, informations en tout genre, parlait entre eux de choses dont ils ne parlaient à personne d’autres, de leur compréhension, d’eux, et du monde. Souvent, Émilien était surpris de voir, comme sur certains points, malgré la distance et le temps, ils se retrouvaient toujours, au même cheminement. Fabienne, le soir, lui chantait des chansons. Cette complicité évidente depuis le premier regard n’avait pas bougé. Mais lui était ailleurs, il était là pour l’aider, enfin… c’est ce qu’il se racontait, à l’époque. Il souhaitait juste qu’ils se montrent leurs « miroirs » comme ils disaient, cela semblait clair. Sauf que Fabienne voulait plus, plus qu’il ne voulait ou pouvait lui donner. Avec Fabienne, ça n’était jamais assez. Elle voulait le voir, en vrai, mais surtout, elle voulait le lien énergétique, cette « fusion » qu’ils avaient eu un soir, à distance, cette sensation du « retour à la maison ». Mais lui refusait, macqué, il avait l’impression de se faire manipuler, presque violer dans son intimité même, à devoir forcer une réciprocité dont il ne voulait plus. « Je ne veux pas rentrer à la maison Fabienne, je ne reviendrais jamais. »

Et… ce qui n’était pas réglé du passé, pour lui comme pour elle, dans leurs disfonctionnements respectifs, s’est de nouveau pointé, comme pour être vu. Et à un moment donné, Fabienne a pété les plombs.

Et… il y avait eu l’histoire du tableau aussi : pour l’anniversaire de sa compagne d’alors, Émilien souhaitait réaliser une peinture, les représentants elle et lui sur son Van, regardant un ciel étoilé. Fabienne l’avait aidé en lui donnant de précieux conseils tout en le rassurant sur la qualité de son ouvrage. Il ne s’en était pas rendu compte de ce qu’il faisait… mais c’était cruel, même plus que cela… l’au-delà d’une trahison pointant directement dans la plus grande blessure de Fabienne. Il finissait par s’en rendre compte, lui aussi, toutes les fois où il l’avait trahie, trahie cette relation, qu’il avait dégagé aussi vite qu’il s’y était engagé, préférant montrer les crocs ou le silence à la discussion. C’était un réflexe car, à cette meuf, il ne voulait aucun mal, bien au contraire. Mais il ne tenait plus à lui faire du bien, à leur faire du bien.

« Putain Émilien ! Mon cœur à reconnu ton cœur, ton cœur à reconnu mon cœur, mais c’est quoi ton problème en fait ?
– Et toi, c’est quoi ton problème ? Tu veux pas me lâcher, des mecs y’en a pleins ! Je comprends même pas ce que tu me trouves ! Toi et moi c’est fini tu entends ?
– Bien ! Quand tu en auras marre de brouter toutes les chattes du Var et que tu réaliseras que tu me kiffes, rappelle-moi pour m’inviter à manger tes aubergines à la Parmesane. D’ici là, je vais aller m’aimer et aller là où on me donnera autre chose que des miettes, où on me considère comme une humaine, digne d’être touchée et vue, pas comme une merde de pestiférée zappable derrière un écran. T’as qu’à demander à ta pute de te chanter des chansons et te faire des compliments, puisque c’est elle qui te suce et pas moi ! »
Par réflexe de défense, lui aussi l’avait envoyé chier et dit de la merde ce jour-là. Il ne supportait plus tout ça. « Ferme ta grande bouche Fab’ ! T’es trop conne, les couilles m’en font mal. Va te faire foutre ! Merci pour tout et bonne continuation. 
– C’est un adieu t’es sûr ? Si l’un de nous venait à mourir demain, tu ne regretterais rien, tout est dit et fait ? »
Sans répondre, il avait raccroché, rangé sa maison, rangé sa vie. C’était terminé.

Pourtant… Pourtant…. Passé un temps, Fabienne lui manquait, il s’en rendait compte. Elle qui pensait ne pas avoir de valeur à ses yeux en était une des personnes les plus valables. Une femme loyale, et aimable au-delà de tout. Mais… il ne lui avait jamais dit, alors qu’elle l’abreuvait de compliments auquel il ne répondait jamais. C’était une différence fondamentale entre eux : Là où lui ne lui donnait rien côté sentimental, se concentrant sur le pratique, Fabienne donnait tout, le mettait sur un piédestal. Émilien ne comprenait pas ce truc-là, pas totalement. Pour lui, tout était égal ou presque. En tout cas son cabinet, sa vie et sa famille passaient avant tout, elle n’était en rien une priorité. Enfin… pas vraiment. Mais c’est ce que Fabienne lui montrait de lui, donc d’elle, donc d’eux. Mais, il lui en voulait aussi car, pour lui, même sans mots, elle le savait bien se qu’il ressentait.

Fabienne… Cela faisait plus d’un an maintenant… Émilien « prenait » de ses nouvelles, à distance. Il était son premier fan, et c’était sa façon à lui d’être en contact avec elle, alors qu’elle n’avait aucun contact avec lui. Il l’avait vu évoluer, développer sa carrière d’écrivain, et une chaîne de vidéos. Au début, il avait lu ce qu’elle écrivait sur elle, sur lui, sur ce qu’elle se racontait d’eux. Parfois, ça le faisait hurler, souvent, ça lui faisait de la peine, des fois c’était tendre et le touchait et… c’était souvent tout en même temps. Puis Fabienne avait totalement cessé d’écrire sur eux, après un ultime texte. Elle avait même changé son style, c’était étonnant à voir. Et… elle semblait rencontrer beaucoup de succès. Même physiquement, elle rayonnait. Elle semblait plus naturelle sur ces vidéos, posée, sereine, il la trouvait radieuse, plus belle que jamais.

 Émilien ne lui avait jamais dit, il n’avait jamais osé lui dire, mais pour lui, elle était la femme la plus fantastique qu’il ait connu, et de très loin. Il savait le pouvoir de l’échange qu’un simple regard pouvait avoir entre eux. C’est pour cela qu’il refusait de la voir, parce qu’en face d’elle, il se serait verrouillé, par peur de craquer. On est cons, parfois, à gâcher sa vie à s’empêcher de dire aux gens qu’on les aime. Il lui avait dit, une fois qu’il l’aimait comme il aimait toutes ses ex mais… ce n’était pas vraiment ça, et c’était assez blessant. Un masque de plus tombé depuis.

Émilien jeta un coup d’œil sur son étagère, à l’endroit où se trouvaient tous les livres qu’il avait d’elle, dont un, qu’elle aurait dû lui dédicacer en échange d’une analyse en design humain. Ça ne s’était jamais fait. Sans doute… qu’il n’aurait pas aimé la dédicace, elle l’aurait gênée et sans doute, aussi, que ce n’était pas à lui de lui donner certaines clés.

Mais pourquoi il repensait à tout ça d’un coup ? C’était loin ! Pourquoi… se sentait-il happé, soudain, par cette énergie qu’il avait pourtant mis tant de vigueur à fuir ? Histoire de s’aérer et de se changer les idées, Émilien alla sur la plage, écoutant le bruit des vagues, regardant l’île au loin. Mais Fabienne ne le quittait pas. Il avait du mal à se reconnaître là. La nostalgie, ne s’était pas son truc. Mais là… il aurait voulu l’appeler. Mais… pourquoi faire ? Et cette sensation, étrange, dans son corps. Comme une sorte de rivière énergétique, qui circulait lentement le long de sa colonne, comme une sensation d’ivresse… C’était nouveau ! Il eut peur tout d’un coup. Était-il en train de faire un malaise ? Il se rappela, qu’une fois, elle aussi lui avait dit ressentir cela. Si Fabienne validait, il se sentait en sécurité, alors, il se calma, respira l’air du large, et continua de promener, pensant à autre chose. 

Il était presque le soir lorsqu’il rentra à l’appartement. Il avait beau faire, tenter tout et n’importe quoi, son état ne changeait pas. Et ça… ça le changeait. Son presque DEVOIR à être heureux ne marchait bien. Là… il y avait autre chose, comme un appel. Cette tendre garce de Fabienne collait à son être, comme si… quelque part c’était vrai, qu’elle avait raison, qu’un lien invisible les tenaient. Elle lui avait dit une fois : « t’es en train de me perdre ». Il ne l’avait pas cru, que s’il savait qu’elle serait toujours là. Sauf que là… Ce n’était plus le cas. Tout ce qu’elle disait ressentir, là où il la prenait pour une tarée, c’est lui qui le ressentait maintenant. Une sorte d’angoisse fébrile l’envahit, il sentait quelque chose… ou plutôt, il ne sentait plus rien, il avait de la place, presque trop, Fabienne était partie, pour de bon.

« Oh et puis merde ! »

Émilien commençait à avoir les crocs. Même s’il était encore tôt, il fit bouillir une casserole d’eau salée pour y faire cuire ses haricots. Il sorti son demi magret du frico et… pendant ce temps, voulu se connecter à une séance de méditation guidée sur YouTube. Ah, mais oui, c’est vrai, internet était coupé, et son portable ne captait rien ici. Son estomac le serrait, il n’avait pas faim en fin de compte. Alors, au lieu des haricots, il se servit de l’eau en train de bouillir pour se préparer une théière avec du citron, du gingembre et du miel. Son dos le compressait de plus en plus, et dans sa tête ça gueulait « dis-lui, dis-lui, lâche-tout ». Sa guidance… D’ordinaire les voix lui disait où trouver son rasoir égaré ou autre chose du type. Il en bluffait ses amis. Là, c’était différent. Comme un ordre… presque… Au bout d’un moment, n’y tenant plus, il s’assit sur son canapé, en ayant pris soin auparavant d’installer une chaise en face de lui. Et… tout pendant que sa théière infusait, il prit un temps, respira, et, dans l’invisible, invita Fabienne à s’installer en face de lui, sur la chaise. Cette image, instantanément, malgré les peurs, le fit sourire, de l’imaginer là, elle, en face de lui, après tout ce temps. Il sentait qu’il avait des choses à dire, mais, il ne savait pas trop comment les dire. Dire n’a jamais été son truc, c’était le sien. Mais là, il sentait l’invitation. Alors, en bégayant, hésitant, il commença, par un salut de circonstance d’abord, puis un sourire… Il était temps de lâcher l’évidence, il entra dans la trance et la vit en face de lui. Il se laissa aller, librement, à parler tel quel, hésitant, mais sincère, le cœur ouvert :

« Salut Fabienne. Je suis content de pouvoir venir parler, de te faire parvenir ce message. Il y a… quelque chose…  au fond de moi, qui est là, et qu’aujourd’hui je me sens prêt dire. Ça… a toujours été là. Ça a toujours été là. J’ai toujours ressenti ça. Mais là c’est comme si …. quelque chose s’était éclairé davantage, quelque chose qui empêchait avant, qui m’empêchait de parler davantage, qui ne permettait pas d’être… là où j’en suis aujourd’hui… de… je pouvais le ressentir mais j’étais comme muet et je n’pouvais pas parler à propos de mes profonds ressentis, c’était impossible à dire. C’n’est toujours pas si facile, en fait, à dire mais… mais là y’a quelque chose de pressant pour moi à le faire – en tout cas y’a quelque chose qui m’invite à le faire – qui me pousse aussi, comme si le faire aujourd’hui serait une libération alors qu’avant le faire ça serait aller m’enchaîner, m’emprisonner… me restreindre, me… ça me blesserait trop, ça serait… c’était impossible, invivable, c’était me protéger que de… que de ne pas parler avant. Et c’était comme si, plus que moi ou mon mental, c’était comme si… en tout cas…. Ce truc… Ce ressenti fort poussé par… le « divin », par quelque chose qui est au-delà de moi, comme un message que j’ai reçu.

J’ai cru que c’était quelque chose qui était lié à mon mental, je me suis dit moi-même que… qu’il fallait pas que je le fasse, qu’il ne fallait pas que je m’engage là, qu’il fallait pas que j’aille plus loin dans cette relation-là, qu’il fallait que je coupe, que je prenne de la distance, je reculais ça. Je pensais souvent que c’était en partie mon disfonctionnement et ça l’était, c’était en partie dû à mes blessures mais pas que en fait. C’n’était pas que mes blessures. Y’avait véritablement quelque chose au fond de moi qui était VRAI, qui était ce que je ressentais profondément, qui me disait « Non, pas maintenant ». Qui me mettait une barrière en fait, qui me disait « T’y vas pas maintenant. T’y va pas, tu t’engages pas, tu peux pas aller là. » C’est comme si j’avais un voile, une barrière, quelque chose qui m’empêchait et qui du coup me faisait en partie me sentir bien de me dire OK. Y’a des peurs donc… en partie. Y’a des peurs chez moi d’y aller donc quelque part c’est OK de ne pas y aller et en même temps j’avais envie de pouvoir exprimer aussi ce que je ressentais ou de …. Pour pas te perdre, pour être sûr que tu restes.

Mais je sentais exactement là où j’étais limité dans ce que j’allais dire en fait. Et que tu as pu prendre comme des … comme si je voulais prendre de la distance, comme un froid ou comme une fuite de mon côté, même si en partie ça a été le cas quelque part parfois mais j’en avais pas vraiment conscience. Et parfois c’était vraiment dû à mes peurs et à une protection de ma part. Mais, la plupart du temps j’ai… même quand tout allait bien, quand nos contacts étaient agréables et tout ça je pouvais pas aller plus loin, je sentais une puissance plus forte me dire que c’était pas… c’était pas le moment ou que c’était pas ce qu’on me demandait là en tout cas. Et c’était si fort que je pouvais pas y aller parce que sinon, si j’y allais malgré ce que j’avais senti d’un ordre plus grand, je… voilà, je pourrais… c’est même pas courir des grands risques, c’est … pas possible en fait. C’est comme une voie où tout est bloqué et je peux pas y aller. Et… j’essayais pourtant au fil du temps, et surtout pendant les périodes de grand silence, d’essayer de capter si en fait je ressentais toujours ça et par moment ça s’atténuait, j’avais plus vraiment de réponses et je n’avais plus… parfois j’étais perdu parce que j’avais l’impression que Dieu m’avait abandonné, que j’avais vraiment pas fait ce qu’il fallait, que peut être j’étais trop loin dans le fait d’être dans le silence, de ne vraiment rien dire, ou d’en avoir parfois trop dit et après d’avoir pris de la distance, d’avoir fait ces chauds et froids finalement que tu as pu ressentir, mais de mon côté en fait j’étais en train d’essayer d’équilibrer tout le temps, et de me dire « est-ce que je suis à ma juste place ? » tout en sentant que c’était important de garder ce… Parfois avoir envie de garder ce contact avec toi.

Et c’était aussi à cause de mes peurs en partie, des peurs que j’ai de te perdre… et… pour te montrer que je suis toujours là et qui se passe des choses en moi. Mais… je sens tellement – en plus déjà de mes propres peurs – je sentais tellement quelque chose de plus profond qui m’empêchait de le faire et comme si finalement pour moi de mon côté c’était de te protéger tout ce temps où j’ai pas parler. De mon côté c’était pour moi une manière de te protéger de moi parce que j’ai conscience de mes disfonctionnements, de mes blessures, de ma part d’ombre, de ce que je ne sais pas mettre en place, de mon environnement, de tout ce qui va pas autour de moi et dont je n’arrive pas à me défaire et du coup c’est pas possible, je peux pas t’emmener là, pour moi, t’apporter quoi que ce soit.

Mais aujourd’hui j’ai envie de parler. Je me sens comme libre de pouvoir le faire. Déjà, mes grosses peurs, en grande partie sont parties. Il s’est passé des choses pour moi qui m’ont tellement apaisé et m’ont fait tellement me sentir bien énergétiquement, tellement passé à autre chose, j’ai mis des choses en place, au niveau de ma famille, de mes amis, c’est plus la même chose dans les ressentis, et j’ai moins de mal à avoir ce positionnement… Tout n’est pas parfait, mais y’a déjà une énorme libération quand même aujourd’hui, dans un endroit intérieur. Je ne savais même pas qu’on pouvait se sentir comme ça. Et je découvre et… je sais que tu as beaucoup travaillé sur toi et que tu t’es libérée aussi. Et ça me réjouis. Je suis hyper aussi joyeux. Du coup je ressens moi-même cette libération grâce à ta propre libération. T’es tellement libérée que moi énergétiquement je ressens quelque chose de quelqu’un – de toi, qui est libérée –  que ça me touche dans l’énergie et ça me fait sentir comment on se sent quand on est libéré et…. Ça me donne un enthousiasme mais… déjà… tellement heureux pour toi que tu arrives là, à cet endroit. Et maintenant de comprendre que c’est possible en fait, d’y arriver, que j’y arrive, et j’ai envie de te dire presque « attend moi, j’arrive » mais en fait non ! M’attends pas ! Mais en même temps pour moi c’est difficile de dire ça. J’ai quand même envie de dire honnêtement « attends-moi. » Mais je sais que tu as compris quelque chose que si tu m’attends, je ne sais pas mettre en place et chaque fois que tu m’attends pas et que tu avances comme ça… ça me… Wouhaou ! Ça me déglingue en fait quelque part, ça me… ça m’arrache un peu l’âme, ça me… ça me fait bosser de dingue ! Sur le coup c’est super dur mais après j’ai jamais autant bossé sur moi qu’à ces moments-là quand j’ai senti que tu lâchais. Dans le sens lâcher pour « avancer pour toi », dans ta vie. Alors en même temps je suis hyper heureux pour toi – ça c’est vraiment pas la question –  c’est juste moi qui ressens ça et qui comprend que je peux y aller tout en ayant des fois … c’est pas la flemme du tout – c’est OK, je vais y aller – mais parfois je ne sais pas comment il faut que je l’entreprenne. J’ai l’impression, parfois encore, de ne pas savoir vraiment le faire… Mais je sais que c’est en train de se faire. Je fais des prises de consciences et maintenant j’ai de plus en plus foi, ce que j’avais pas vraiment avant finalement. Je vois davantage clair, je sors de choses qui sont souffrantes et je me réveille un peu d’un mauvais rêve, de cauchemar, d’ailleurs, que je faisais beaucoup, je dormais très mal, et je commence à mieux dormir parce que je commence à faire des rêves et de rêver de toi et de nos âmes et de voir des choses qui se réveillent chez moi au niveau de l’âme, des prises de conscience qui commencent à venir se stabiliser, des choses qui au niveau énergétique, qu’avant je pouvais vivre, des choses assez fortes parfois, mais ça durait pas et après ben… mon environnement, les choses autour dont je me rendais pas compte, me faisaient retomber un peu dans d’autres vibrations.

Mais là y’a des choses qui m’ont complétement boosté en tout cas, et qui me donnent envie de venir vers toi et de parler, de discuter… où j’aurais envie, déjà, qu’on discute de où on en est, de… aussi de comment tu as fait, comment tu as ressenti tout ça, et puis d’entendre, en fait, simplement, ta voix. De t’entendre de nouveau. D’entendre juste ta voix et de juste savoir qu’on est de nouveau en contact.

Pour moi c’est vrai que ça a été longtemps suffisant d’être là, je sais que t’es passée à autre chose aussi. Et aujourd’hui pour moi en fait, ce passage que tu fais en te choisissant, en vivant la vie que tu vis aujourd’hui, qui te rend heureuse, me fait faire aussi ce chemin de retour à moi et crée des libérations autour de moi de… Voilà. Je mets de la distance avec certaines personnes, je me positionne aussi, je suis en train de faire ce retour vers moi et, je suis peut-être encore dans ce silence, mais c’est un bon silence. C’est un silence finalement pas si silencieux puisque je viens et j’ai envie de te parler, que tu le saches, que je ne suis pas loin en tout cas. Je me tiens tout près de la porte. Je sais que c’est peut-être pas suffisant, ou que tu n’attends plus en tout cas… T’attends plus ça. Et c’est justement ça qui me fait bouger en fait. C’est que… t’es plus là, toi, derrière la porte, ou même devant. Avant t’étais complètement là, et là, toi… tu as pris la porte et …. Tu l’as laissé ouverte en fait… t’as laissé ouverte cette porte… mais t’es partie… quand même faire ton chemin.

Et moi j’arrive, je me rapproche de la porte et je me dis « la porte est ouverte, mais t’es plus là » et d’un coup ça fait comme un grand vide quand même. Mais ce grand vide finalement que tu fais en te choisissant et en t’occupant de tout ce dont tu t’occupes dans ta vie, de tout ce que tu fais et bien moi ça m’oblige d’une certaine manière à mettre au clair des choses dans ma vie. Et à avoir envie de te rejoindre en tout cas. Et avoir envie de partager tout ça avec toi parce qu’il m’arrive pas mal de choses, des expériences assez dingues et je me surprends chaque fois que je vis quelque chose à avoir envie de te le partager et finalement… c’est moi aujourd’hui qui suis frustré de ne pas pouvoir t’en parler. Alors je sais que je pourrais t’appeler et t’en parler mais j’ai pas envie de te déranger non plus dans ta vie, en tout cas si je le fais , c’est que je viendrai exactement te dire ce que je ressens et ce qui aujourd’hui est libéré.

Je te parlais d’une barrière qui m’empêchait de pouvoir dire ce que je ressentais, je ne la ressens plus. Je ressens aujourd’hui dans cette guidance, cet élan que j’ai de ce que je perçois, de ce que je ressens, que je ne suis plus limité, que je suis même invité aujourd’hui à m’exprimer. Et ça me fait même un peu bizarre et je comprends mieux aujourd’hui, avec du recul, pourquoi on a mis cette barrière, et pourquoi moi aussi j’y arrivais pas. Parce que j’avais toutes ces peurs, mais je les guéris. C’est davantage souffrant pour moi aujourd’hui de penser que je pourrais vraiment te perdre, que je ne pourrais plus te partager tout ça, qu’on pourra plus rien partager ensemble. Ça… ça devient plus souffrant que ma propre souffrance d’avant qui me faisait prendre cette distance et… c’est comme si le sceau était retiré… comme si quelque chose qui m’handicapait avant ne m’handicape plus… c’est comme si quelque chose qu’on m’avait retenu de faire, de dire, certainement parce que de l’autre côté ils savaient que j’étais pas prêt, de maintenir ce que je t’aurais dit, et qui aurait été trop encore plus souffrant pour toi, que je te dise les choses, tout ce que je ressens. Déjà… le peu qu’on s’est partagé ou que je pouvais dire c’était frustrant pour toi, ou blessant, parce que je ne pouvais pas aller plus loin que ça. Mais moi, je sentais qu’il y avait vraiment quelque chose de pas possible, et on m’empêchait d’aller plus loin, mais y’avait des raisons à ça et aujourd’hui, avec plus de recul, je comprends. Y’avait aussi mes propres blessures et les tiennes, mais les miennes aussi, et c’était une manière de nous protéger finalement tous les deux.

Mais aujourd’hui je ne suis plus empêché. Et donc j’ai envie de pouvoir te voir, j’ai pas seulement envie de t’appeler, j’ai envie de te voir, de savoir comment ce sera quand on va se voir ? J’ai envie d’une rencontre, mais plus comme la première fois, d’une rencontre où on est vraiment nous, où on est vraiment déjà dans cette réconciliation avec nous même où… on se trouve tous les deux en grande partie libéré et où on pourrait du coup partager… enfin… on n’aurait pas d’attente ni l’un ni l’autre, mais j’ai l’impression maintenant d’avoir plus d’attente que toi. Je ne ressens plus les tiennes et ça, ça me fait bouger au truc de fou, de sentir que t’en as plus et je crois que c’est ça qui m’a fait te ressentir encore plus ces derniers temps et m’attirer vers toi, avoir envie de te parler, qui me donne envie de revenir vers toi.  

Et je crois qu’aujourd’hui… ce n’est pas que j’ai une attente – j’ai pas d’attente – j’ai une envie de tout ce que moi j’ai pas dit. Toi tu as exprimé pleins de choses, t’as dit toutes les choses que tu ressentais, et c’était juste incroyable et à ça j’ai été très peu… j’ai pu répondre très peu de choses en fait finalement. Et je t’ai même renvoyé ou rejeté dans ce que tu disais. Et pas toujours cru. Je préférais pas le croire même si, au fond, je savais que tu disais des choses que tu ressentais mais je pouvais pas croire ou penser que tout ça était juste. Ça renvoyait trop de choses, mes blessures à moi et tout cet émotionnel que je ne gérais pas, déjà, chez moi, c’était pas possible d’aller là où tu étais en fait. Mais je me rends compte que moi, j’ai dit très peu de chose donc aujourd’hui on se retrouve un peu dans une situation inverse où toi finalement tu n’as plus grand-chose finalement à me dire, où tu n’as plus trop envie de parler avec… T’as envie peut-être de parler avec moi mais… je dirais peut être plus de la même manière d’exprimer tes sentiments comme tu l’aurais fait avant, ou d’essayer de me réconforter, de m’apaiser, de me donner des conseils, de me soutenir dans ce que je traverse et que par contre à l’inverse je l’avais peu dit, là c’est moi aujourd’hui qui ai envie de te dire, et… je trouve que finalement, c’est très bien comme ça j’ai… l’impression du coup que je vais avoir aussi la place pour te dire tout ce que je ressens MAIS, y’a toujours une petite peur effectivement de venir, d’oser le faire, et j’attends, entre guillemet, « d’être prêt » dans le sens où j’ai pas d’attente, parce que tant que je sens que si toi tu me réponds pas la même chose, que t’en est plus là, ou que tu ne veux plus, ça va être super dur quand même pour moi donc… je crois que quelque part, avant de pouvoir le faire, de vive voix te dire tout ce que je ressens, j’ai besoin d’être sûr de ne pas être dans l’attente de quelque chose et d’être sûr que si toi, c’est pas OK pour toi, ou que tu ne ressens plus ça, ou que t’es plus là, et bien que ça va être OK pour moi quand même aussi donc… Voilà… J’ai encore des petites peurs par rapport à ça, parce que c’est toujours des petits restes de blessures qui sont là et après tout ce temps…. parce que y’a aussi encore une petite culpabilité… même si j’ai conscience que tout ça était nécessaire, y’a encore quelque chose qui fait que… voilà… j’ai envie de… de réparer un peu les… tords que j’ai causé, les manques que j’ai causé, les frustrations que j’ai causé parce que je ne voyais pas une partie du chemin. Je ne comprenais pas ce qui se passait pour toi et j’étais pas en capacité de le faire. J’avais bien trop à gérer quelque chose chez moi, ce qui se réveillait chez moi et de mes peurs à moi.

Mais au fond, toujours, j’ai senti cet amour-là pour toi.

C’est juste qu’il arrivait pas à se matérialiser ou… j’arrivais pas à le dire, à l’exprimer, mais il a toujours été là, et j’étais sûr tellement que tu le ressentais que du coup je faisais parfois l’inverse, je disais l’inverse de ce que toi tu ressentais pour contre balancer parce que sinon c’était trop et… en fait, tu voyais juste, et tu captais trop déjà les choses que moi je ressentais – ou j’en avais l’impression en tout cas – que j’étais tellement visible dans ce que je pouvais ressentir, c’était tellement fort à l’intérieur de moi que si en plus je parlais je devenais ridicule en fait, je me sentais presque même… un peu maladroit, honteux ou je ne sais pas… y’avait une forme de me sentir… de m’humilier moi-même en disant des choses, j’avais peur, de ce que toi du dirais. Même si toi c’était OK, que t’exprimais tes sentiments, et bien, je ne savais pas ce que ça allait donner une fois que moi j’aurais partagé les miens si je l’avais fait. À ce qui se serait passer une fois que j’aurais dit les choses, j’étais vraiment pas prêt en tout cas. J’étais vraiment pas prêt et je crois que c’était le chemin, tout ce temps où j’étais pas prêt. Tu as fait ce chemin pour toi et tu t’es libérée de pleins de choses et je suis vraiment content pour toi.

Voilà, je veux juste te dire, en fait, que je reviens. Mais ne m’attend pas, et avance. Parce que si je sais que tu m’attends, je vais encore moins venir. Ce qui fait que je reviens c’est que tu t’éloignes de plus en plus tellement de cette porte-là, presque de cette première rencontre qu’on a eu, cette connexion, tu traces tellement ton chemin que ça m’attire jusque dans ton monde, à être devant cette porte et à marcher dans ton monde, et de te rejoindre, parce que je suis extrêmement attiré par ta prise de distance, ton lâcher prise, ton éloignement, et le fait que tu te choisisses me fait te choisir, me fait ressentir notre lien, prendre conscience de l’amour que j’ai pour toi et me donne envie de matérialiser tout comme toi tu te matérialises dans ta vie.  Ça me fait matérialiser notre amour et ça me le fait conscientiser. Si t’étais resté à cet porte à m’attendre, je ne serais jamais venu. Dans l’énergie, c’est vraiment ça. Ce qui m’attires c’est que tu t’éloignes, et moi, j’arrive, à côté de toi. Et c’est toutes ces poussées là où toi tu fais les choses pour toi et où tu ne m’attends pas et où tu matérialises les choses dans ta vie pour toi qui me font te sentir extrêmement fort et qui me poussent à venir au contact, à te parler, à avoir envie de te voir, et c’est… déjà d’une manière très énergétique… où je suis poussé c’est… presque pas de ma propre volonté, même si j’en ai envie, mais quelque chose, comme si ça venait pas vraiment de moi, mais… de mon âme en fait. C’est par là quoi, c’est… ça me pousse, et plus je me libère de mon côté (c’est un truc de fou !) plus je sens cette libération, plus ça me connecte à toi. Plus ça me fait prendre conscience de qui tu es en fait. De qui je suis et de notre lien, et ça m’attire à toi, c’est dingue comme des fois j’aurais pu te… Voilà… combien de fois j’ai eu envie de prendre le téléphone pour t’appeler ou t’envoyer un message mais je me suis dit « et après on fait quoi une fois qu’on a envoyé un message ? T’es prêt là à y aller vraiment ? » Et souvent dès que je pars dans mes questionnements ou que je repars un peu dans le mental c’est foutu et je ne le fais pas. Mais il me quitte ce mental, il me quitte parce que tu me quittes… parce que tu te choisis donc je… il me fait souffrir en fait ce mental… plus que tout… donc je vais le lâcher parce que je sens bien qu’il y a un truc qui se passe au-delà de ma propre volonté. Qui fait partie du chemin. Et donc, juste je me laisse guider, et voilà… Je sais qu’il y a un moment on se retrouvera. On va se voir et je vais être le plus heureux du monde de pouvoir te revoir et d’avoir comme une occasion nouvelle avec toi, de pouvoir faire une vraie rencontre avec quelque chose chez chacun d’entre nous qui est apaisé, qui va mieux. Et ça me fait vraiment plaisir qu’on puisse se rencontrer dans ces termes-là. Alors… juste avance. Avance, avance et… crois-moi… Merci, merci, merci ! Pour ce que tu fais. Même si tu n’as pas conscience, je peux te dire que tu fais quelque chose d’énorme aussi pour moi et pour beaucoup autour de toi. Continue à te choisir et à matérialiser les choses dans ta vie. Et… je suis là. Je suis là tout prêt. J’arrive, j’arrive chaque fois que toi t’es ancrée et que t’avances vraiment.

Merci de m’avoir écouté, de m’avoir donné l’occasion d’avoir pu exprimer ça, ça me fait un bien fou de dire ce que je ressens et de… pouvoir juste te dire que je vais venir te le dire en fait, que je vais venir dans cette matière, je le sais que je vais venir, je sais pas quand, c’est quelque chose aussi qui… où je suis guidé comme toi, où je me sens poussé par moments, et je suis ÇA, je suis aussi une certaine guidance et je sens bien qu’il y a des choses… Tout ce temps où des fois t’avais pas la compréhension de ce qui se passait pour moi… même si j’avais envie, de toute façon je me disais « je le fais pas, je suis bloqué dans ma vie par pleins de choses que je dois libérer, j’ai trop conscience de ce qu’il vaudrait que je lâche pour pouvoir vivre quelque chose avec toi ou de pouvoir aller plus loin » et ça me paraissait tellement une montagne impossible… je savais même pas par où il fallait commencer… et je devenais fou… aussi quand derrière je ressentais qu’il y avait une attente de ta part ou que t’étais frustrée, c’était horrible de sentir que moi j’étais bloqué, je savais pas comment faire, c’était satisfaisant pour personne, j’aidais personne et en plus, toi, je t’aime énormément, je te blessais et c’était horrible de sentir ça et du coup, ça me donnait envie de m’éloigner en me disant « mais si en plus je la blesse, c’est pas possible en fait. » C’était affreux ! Rien n’allait nulle part.

Et là je vois qu’enfin des choses se libèrent parce que tu l’as fait pour toi et du coup comme y’a plus d’attente, tu me libères.  J’en avais pas conscience. J’en ai conscience maintenant, et c’est pour ça que je me dis que tu fais quelque chose d’énorme pour moi, que je ne savais pas que tu faisais, mais en avançant sur ton chemin, tu libères le mien aussi. J’ai une immense reconnaissance, évidemment, et les mots sont faibles, vraiment. »

Après cette longue déclaration, Émilien sorti de sa trance, apaisé, mais la gorge sèche d’avoir tant parlé. Il prit un verre de son infusion, en avala une gorgée qu’il recracha aussitôt ! Il se rappelait : l’eau était salée.  

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Évaluation*

Retrouvez-moi aussi ici :

Instagram | Facebook