Journal Souterrain

26 avril 2025 – Merci du cadeau !

« Si je pouvais t’offrir le bleu secret du ciel,
Brodé de lumière d’or et de reflets d’argent,
Le mystérieux secret, le secret éternel,
De la vie et du jour, de la nuit et du temps,
Avec tout mon amour je le mettrais à tes pieds.
Mais moi qui suis pauvre et n’ai que mes rêves,
Sous tes pas je les ai déroulés.
Marche doucement car tu marches sur mes rêves. »

– William Butler Yeats

17h17

Tu boites en marchant. Tu t’es peut-être cassé l’orteil en plus de t’être ouvert le doigt. Quelle connerie la colère ! Tu boites, en boîte, ton cœur, ton corps et ton âme compressés dans cette tension qui ne cesse. Tu boites, en vrac, lessivé, choqué. En arrivant devant la porte, tu tapes. Elle est là, l’amie. Elle sait.
« Tu peux me prendre dans tes bras ? »
Elle le fait. C’est juste de cela dont tu rêves, depuis si longtemps, avec Ton Autre. Mais Ton Autre ne veut pas. Alors, tu acceptes des bras qui te veulent. Le corps sait tout. Il est l’encyclopédie de ta vie, de tout ce que tu as traversé. Il a cristallisé en lui tant d’émotions ces derniers mois, il avait juste besoin de ça : se sentir enlacé, touché, honoré, sécurisé par la tendresse d’un autre corps lié. Ce n’est pas ce corps là dans lequel tu voudrais tout lâcher, tout réconcilier, mais tu acceptes, ce qui est. C’était ton rêve : se prendre dans les bras, à cœur ouverts, et laisser le corps exprimer tout ce qu’il gardait comprimé en lui. À partir de là, sourire et se dire au revoir de la plus élégante et charmante des manières.
Tu murmures, tu n’arrives plus à lever la voix.
« Serre moi un peu plus fort s’il te plait »
Elle serre et… comme une éponge pressée, l’émotion se déverse. Dissolue, transmutée dans la matière par l’eau et le sel. Tu trembles, ça lâche.  Une rivière de larmes, la remontée d’un chagrin si grand qu’on a peur de s’y noyer. Un typhon qui t’engloutit. Tu n’as plus le choix. De l’eau se déverse de tout ce que ton cœur a encaissé. Tu n’avais pas vu le cadeau, c’est fait !
« Mon pauvre ! mais qu’est-ce qu’il s’est passé ? »
La même chose que d’habitude : on s’active au lieu de se cultiver. Comme si l’amour immense de l’autre nous était intolérable car il nous renvoie systématiquement au désamour de soi. Après… on crée des histoires, on élabore des stratégies mais… c’est ça. On est aimé tel qu’on est et… on ne le supporte pas !
T’as besoin de parler… Tu parles, tu parles, tu parles… Ta pote ne te reconnaît plus, elle ne t’as jamais vu comme ça, dans cet état.
« Tu es maigre ! Tu fais peur ! Tu manges ?   
– Pas trop. J’y arrive pas. »
T’arrêtes pas de pleurer tout en parlant. Et, le plus fou, c’est que ce n’est pas toi qui pleures. Dans ton cœur, tu ressens ton autre pleurer et c’est, au final, ce qui te fait le plus mal. Pourtant, dans la matière, c’est elle qui part, encore… toujours.
« C’est beau comme tu parles d’elle ! J’aimerais être aimée comme ça !
– Tu parles, t’en voudrais pas, comme elle. Il paraît que ça fait flipper. »
C’est le drame. Tu le vois. Le drame, c’est ce qui reste quand le rêve ne trouve pas sa place dans la réalité. Ton amie ne te demande pas si par hasard, ça serait pas une relation toxique, car elle sait ce que tu crois.  « Chez nous, quand ça clash, ce n’est pas pour déposer du poison dans le cœur de l’autre, au contraire, c’est pour montrer à l’autre comment extraire celui qu’il a en lui. Et ça nous fait mal de nous faire ça. On ne le fait pas exprès, on est… transparents. Comme si nos âmes savaient quand nos egos jouent faux. Ça déclenche aussitôt la colère, le dédain, les dictions ratées. Et on se retrouve comme aspirés dans ce schéma, retournant à des croyances sur l’autre délirantes dont il nous a pourtant montré 1000 fois la fausseté. C’est épuisant, fatiguant, frustrant. On se sent… cons, immatures et drainés. Et après on le regrette, on croit que l’autre nous déteste, mais ce n’est pas vrai. Ce qu’on déteste, c’est l’ombre que l’autre réussit à faire surgir de nous à ce moment-là, à mettre en lumière. C’est ça qu’on ne supporte pas : nous-même, en totalité. Et… on panique et… on fait et dit n’importe quoi ! Mode survie, cœur fermé, prêts à mordre, fuir, se cacher ou ramper, selon les schémas et ce que ça vient toucher comme trauma… Enfin… je parle pour moi. Elle a certainement une autre analyse, et elle est sans aucun doute admirablement pertinente. Sur le sujet, elle en sait plus que moi. Le plus dingue, c’est que quand ça va, c’est sublime. Au-delà de tout ce qui peut exister dans d’autres relations. Et tu verrais notre pouvoir de manifestation quand on collabore, juste dinguissime ! »
Ce soir-là, avec ta pote, tu bois. Ça ne t’arrivait plus. Mais là, y’en a trop. T’arrêtes pas de pleurer, de te moucher, de parler de l’admiration, de la tendresse et du courage que tu trouves en cette femme que tu laisses s’en aller. Encore une fois. Parce que ce que tu détestes le plus au monde, c’est de la voir se souiller, en parlant mal d’elle, en se contraignant, en réagissant à des comportements qui font tout sauf honorer. Elle ne veut pas vous lier, elle ne veut pas. C’est son droit le plus sacré, c’est son choix le plus aligné, et… tu la laisses partir, et ton cœur est… défoncé. Défoncé, mais ouvert. Tu le sais, il ne pourra plus jamais se fermer.
« C’est merveilleux le cadeau que tu me fais là, merci.
– Je t’en prie, les amies c’est fait pour ça.
Tu réponds par ce petit sourire timide et touchant que tu connais bien, avec des virgules dans les coins. Ce n’est pas vraiment toi qui souries là, c’est elle, en toi. Tu as cessé de t’expliquer, de justifier ou de repousser ce que tu ressens. Elle a trouvé le passage, et elle est restée là. Bullshit, folie ou réalité d’un lien spirituel que tu es seul à reconnaître, ranafout ! C’est ce qui est, et tu décides de ne plus nier l’évidence, partagée ou pas, de ce qui se passe en toi, dans la plus grande intimité de ton cœur.

Tu t’endors enfin. Dans un rêve, tu laisses les grands yeux noirs de ton autre te voir. Ils sont humides, de joie, ils te sourient. Les tiens sont mouillés aussi je crois. « Je te vois ». La reconnaissance… au-delà des sens. Tu te sens à la maison dans ses yeux et… tout au fond de ton coeur, tu sais qu’elle aussi s’y sent bien dans les tiens. Tu l’aimes, infiniment, pour tout ce qu’elle est, de ce qu’elle te montre d’elle et aussi de ce qu’elle ne te montre pas. Les dernières circonstances n’y ont rien changé. Ce lien dépasse le temps, il n’est pas humain. Tu ne l’as pas décidé, ça s’est imposé, dès la première fois, lorsque tu as vu sa lumière, tu l’as reconnue derrière un écran, ce sourire ravissant de timidité infantile venant interrompre le mime d’une chanson qu’elle te donnait. « Viens… » Cupidon a tiré sa flèche, et tu n’as jamais pu l’ôter. Tu as essayé. Plusieurs fois. Et dans la matière, elle revenait. Maintenant, tu n’y arrives plus, à lâcher avec sincérité, car une petite voix dans ta tête te dit « si tu lâches, elle va revenir » Et c’est baiser ! À quoi bon résister ? C’est là… c’est là. C’est ta conviction la plus profonde et… il y en a assez de la laisser se faire violer par l’avis des autres.

Au réveil, la première chose que tu vois, comme à chaque fois, c’est son visage, dans ton cœur fatigué. Un sourire apparait malgré la gueule de bois, la courte nuit, le corps encore épuisé. Et tu comprends ce que tu dois faire à partir de maintenant. Tu comprends ce qui s’est joué, tu comprends le cadeau, ses mots à elle, cette croyance à toi. Puis ton mental prend le relais, les gueulantes, les pleurs et les insultes de la veille, les siennes comme les tiennes, un cauchemar en boucle, une protection qui n’a plus lieu d’être. « Reviens dans ton cœur, je suis là ». Tu respires, recentres.
Tu réécouteras, reliras les messages, ce qu’elle t’a dit, en sourire ou en colère. Car tu reconnais la clarté de ce qu’elle voit en toi et que tu n’écoutes pas. Les signes et les indices qu’elle t’a laissé. Tu décides de t’inspirer, de changer les règles : ce que tu vois de sa beauté, c’est celle que tu ignores de toi. Il est temps d’aller la chercher, de ne plus te solder. Tu vas changer la méthode, regarder le miroir par le prisme de la beauté, plutôt que de l’ombre. Autorise-toi à voir et recevoir toute la beauté de ce que tu es. Tu la trouves parfaite n’est-ce pas ? Et c’est exactement, ce que tu n’admets pas de toi : tu es, également, la perfection incarnée.
Because, avec un peu de sincérité, une fois que tu cesses de la rendre responsable, le constat est évident : ce n’est pas elle qui fuie, c’est toi qui rejettes, tu ne te sens pas méritant. Regarde-la : est-ce qu’elle aimerait vraiment te voir te traiter comme ça ? Elle est là la dignité, il est là le mérite, le respect. Si tu l’aimes vraiment, honores-la en t’aimant comme tu sais qu’elle t’aime, immensément, tendrement, intensément. C’est comme ça que tu feras bien, c’est comme ça, que tu lieras : en arrêtant ta fuite. De l’union intérieure nait l’abondance extérieure. C’est ton nouveau commandement. Aime ta vie, embrasse-la, ne la trahit plus Elle en te trahissant Toi, en te sabotant, en te salissant, en te tordant, redresses-toi ! Béni chaque souffle, honore chaque instant. Pose un regard amoureux dans tout ce qui est en toi, comme à l’extérieur de toi. C’est ainsi que tu es aimé, c’est ainsi que tu l’aimes. Tu veux vivre ton rêve, alors… demande toi : si tu étais celui que tu désires être, comment te sentirais-tu ? Que ferais-tu ? Quelles paroles, quelles actions, quelle tenue aurais-tu ? À partir de là, laisse infuser en douceur, incarne et soi fidèle, engagé, digne.
C’est tout ce que tu souhaites pour elle envers elle, c’est ce qu’elle veut pour toi. Sors de ta boucle. Quitte le virtuel, embrasse le réel. Ouvre ton cœur encore davantage, laisse passer la lumière, laisse son intelligence te guider. Aime, aime, aime. On ne voit que ce que l’on croit. Change tes croyances obsolètes, n’écoute plus tes peurs ou tes résistances, le reste viendra. Accepte, pour une fois, le sublime cadeau qu’elle ne cesse de t’offrir : la tendresse infinie de te laisser le temps de t’aimer.
Ce que tu désires te désire encore plus ! Incarne, respire, ancre et laisse la vie te surprendre sur le où quand et comment ton souhait viendra. Tu connais la fin, apprécie le chemin.

Dans l’après-midi, tu quittes ton amie, un bouquin de William Blake dans la poche, entre larme et joie, encore épuisé. Tout l’enlace, la remercie de tout ton coeur. Tes mots sont creux, mais ton regard a changé. Tu tapes la route, tu boîtes moins mais tu à mal au dos. C’est coincé, là où ça crée, là où c’est sacré. Tu rentres chez toi. C’est le bordel, ça pue, c’est sale ! Est-ce que tu accepterais d’accueillir une reine dans un endroit comme celui-là ? Tu entends sa voix, douce, rieuse, dans ta poitrine.
« Alors, que vas-tu faire ? De la merte ? T’asseoir et fumer ? On n’en peut plus ! »
Tu ries ! C’est pas évident Mon Âme…
« Je vais commencer par écrire, pour te remercier. Ensuite, je vais danser et sourire le plus possible à la vie, car c’est ce que tu veux pour moi, et ta volonté est loi. » 

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Évaluation*

Retrouvez-moi aussi ici :

Instagram | Facebook