Petit truc d'écrivain

Comment écrire un roman ? – Généralités

…..Un tel titre n’est là – bien entendu – qu’exclusivement pour ranker dans Google. Ceci étant dit, passons au fond :

…..L’idée même de poser la question, à mon sens, est totalement débile.

…..Bon, avant que vous ne grimpiez aux rideaux, je m’explique : Personnellement, en ce qui me concerne, moi je pense que c’est le format qui s’impose à vous, pas l’inverse. Tout dépend de ce que pour voulez raconter ou dire. Un poème peut suffire, une nouvelle de trois pages peut suffire. Le roman n’est là que pour exposer plus longuement une histoire, une idée, une pensée, un ressentiment. En gros, c’est pour les bavards. Si vous avez l’idée d’écrire un roman parce que « c’est le format standard qui se vend le mieux », vous pouvez vous barrer tout de suite, cet article ne vous apportera rien, il y a écrit « Comment écrire un roman ? » pas « Comment écrire un roman à succès » ou, comme on dit now : un « Bête c’est l’ère ».

…..Pour ma part je n’ai encore jamais été publié – même si j’ai failli l’être (voir dans les premières chronique de La Cave), mais mon caractère aidant… Bref ! –  pourtant j’ai torché deux pavés et je suis en train de galérer sur le troisième. Aussi permettez-moi d’attendre d’être un peu vendu avant de vous dire comment faire et partager le morceau de tarte. Y’a un proverbe de circonstance que j’adore : Ceux qui savent le faire le font, ceux qui ne le savent pas l’enseignent… Regardez autour de vous avec cette phrase dans la tête et kiffez !

…..Ceci étant dit, komen kon fé ? Quelques réponses issues de mon expérience à ce sujet :

 

…..1 – On ne fait rien. Lorsque j’ai écrit mon premier roman, je ne savais même pas que j’étais en train de le faire. En réalité ça a commencé par une nouvelle que j’ai fait lire à ma meilleure amie (oui, c’est une fille, mais si t’y touches je te les coupe et j’en fais de la poudre pour les poules) et c’est elle qui m’a tannée pour en écrire la suite. J’ai donc poursuivi avec ce que j’avais à dire à ce moment-là, et jusqu’au dernier moment ou presque, je n’avais aucune idée de la fin (qui m’a valu d’ailleurs quelques ennuis même si je la trouve pas particulièrement géniale, j’en reparlerais sans doute). C’est à mi-chemin, vu la longueur que cela commençait à prendre, que je me suis dit « je suis en train d’écrire un roman ».

…..2 – On macère l’histoire en soi jusqu’à ce qu’elle sorte. Ça c’est l’histoire de mon second bébé, commencé exactement un an après la fin du premier (vous suivez ?). Depuis plusieurs mois j’avais mon sujet : écrire un truc sur le couple, ce qu’il veut dire dans notre société, pour ma génération… Sauf que je ne savais ni la forme que ça devait prendre, ni l’histoire que j’allais raconter. Puis un matin, ça a filé, et durant 45 jours je n’ai rien lâché. Un chapitre par jours, jusqu’à ce que je me dise « tiens, encore trois ou quatre et c’est la fin ». Idem que pour le premier, jusqu’au jour J ou presque, je ne savais pas la conclusion. Il reste ma fierté celui-là, même si les éditeurs l’ont dégommé.

…..Mais il y avait toujours cette impro. Par exemple, je tenais à écrire une scène qui finalement n’a pas trouvé sa place dans le roman, ou faire dire un monologue à un personnage qui finalement a été dit par un autre. Il est marrant, et très intéressant de voir à quel point ils peuvent nous « posséder ». La Lola du livre me manque beaucoup d’ailleurs depuis (ok, je vais arrêter là sinon je vais paraître encore plus dingue que je ne le suis déjà).

…..3 – On fait des notes. Ça c’est pour celui en court. Mon autobiographie. Je dois avouer – et de loin – qu’il est bien plus pénible et strident à écrire que les deux autres (même si le premier était déjà bien salé). Mais j’y tiens. Pour celui-là, j’ai écrit des centaines (je mens pas) de pages de notes : situation à raconter (ça peut tenir en quelques mots : ma rentrée au collège), bout de phrase, idée, ressentis, … Là l’idée c’est ensuite de tout coller, faire un plan pour y voir clair, le rendre homogène sans trop de forcing sur les répétitions et s’atteler à la tâche. Personnellement, c’est par excellence la méthode qui m’est la plus désagréable. Pour être sincère, ça me fait même chier. Mais – comme je l’ai dit – j’y tiens, et aussi parce que je compte soigner le style.

…..En ce qui concerne le nombre de pages, très honnêtement, ON S’EN TAPE. Je sais, dans ce monde formaté, ça peut paraître bizarre. Mais je préfère de loin lire 500 pages d’un excellent livre que 50 d’un récit chiant comme la vie. 

…..Tout comme en musique d’ailleurs, mes morceaux préférés des Pink Floyd sont leurs plus longs (Shine on your Crazy Diamond en tête), la longueur ne veut rien dire paraît-il, le tout est de savoir s’en servir. Si ça marche pour un truc, why not pour tout ?

…..Ce qui nous amène à quelques points qui me semblent bien plus importants…

…..– Le public cible. Alors là on va entrer dans ce qui me fâche. Les autres, bien entendu, pour vous vendre, vous diront d’aller regarder dans les listes des meilleures ventes afin de vous faire une idée de ce que le public attend (ben voyons). Le premier public à convaincre, c’est VOUS. J’écris les livres que j’ai envie de lire, c’est précisément parce qu’ils ne sont pas sur le marché que je les écris, parce qu’ils manquent à ma… comment dirais-je… à ma palette culturelle (désolé j’ai pas mieux là).

…..– Le style. LE point – à mon avis – crucial. Si c’est pour raconter la même la chose que tout le monde (tous les thèmes de la vie ont déjà été abordés) et le faire de la même façon que tout le monde, je n’en vois pas l’intérêt, sinon celui d’être commercialement compatible avec le marché mais dans ce cas, écrivez un bouquin de développement personnel ou un livre de recettes fitness, ça marche mieux et tout le monde trouvera génial votre manque total d’originalité. Si en en plus vous vous inventez une étiquette d’expert psy en nutrition que personne n’ira vérifier, c’est le pompon.

…..Rappelez-vous simplement que des mecs dit « classiques » comme Baudelaire ou Flaubert à leur époque, se sont pris les juges, Zola est allé à l’encontre de l’antisémitisme majoritaire lors de l’affaire Dreyfus avec son « J’accuse », Hugo était presque un (vrai) socialiste avant l’heure, La Fontaine critiquait les mœurs de façon si fine qu’il en était inattaquable et Rimbaud foutait le bordel partout où il passait.

…..Pour ma part, j’ai le défaut de croire que l’histoire retient davantage ceux qui ont cassé les codes que ceux qui les ont consolidés… Mais ça se discute.

…..Alors, le style, c’est quoi ? C’est ce qui va personnaliser votre livre, peu importe le genre, et faire dire au lecteur « là, y a une patte, on sait que c’est du LUI ». Rythme et enchaînement des phrases, mots choisis, ambiance décrite, émotions abordées, tout cela se travaille avec le temps et la pratique, tout cela fait un style.

…..Un beau compliment à ce sujet, des gens qui me connaissent et me lisent, me disent : « quand je te lis j’ai l’impression d’entendre ta voix ». Là je me dis « j’ai gagné ». Compliment merveilleusement intime non ? Surtout si c’est une jolie fille et que son mari dort à côté…

…..Dans mon second bouquin j’avais trouvé une belle définition – quoiqu’un peu intello – de ce qu’était le style pour moi : Le style, c’est la musicalité que tu vas donner à tes émotions pour les faire coller à la page…

…..Mais comme le disait Ferré : « Ton style, c’est ton cul. »

…..À vous de voir si vous voulez le méditer…

 

…..– J’écris quand ? Comment ? À quelle fréquence ? Pendant combien de temps ? Là je dirais que ça dépend de vous, alors je vais parler de moi. Un roman est une sorte de marathon dont on ne connait pas l’arrivée. Les deux seules choses qui m’intéressent sont : qu’est-ce que j’ai à dire et sur quel ton je vais le dire (le style donc) ? En gros je cherche l’ « ambiance » de mon bouquin, son odeur, ses couleurs, sa texture. Ensuite, je vais y coller une musique dessus – du blues ou du rock souvent, parfois du jazz… Attention, quand je dis « musique », ce n’est pas vraiment ça. Disons plutôt un phrasé, le rythme d’un fredonnement, un ton de voix, ou, comme le disait l’écrivain Philippe Djian : « le plus difficile dans un roman c’est de tenir la note » – et une fois que j’ai tout ça, je fonce. Je veux dire, j’écris un chapitre par jour, TOUS LES JOURS SANS EXCEPTION et le reste de la journée, je me demande ce que je vais écrire dans le chapitre suivant. L’expérience du premier livre m’a montré que si j’arrête un seul jour d’écrire, je perds l’ambiance, et j’arrête l’œuvre pour six mois, ce qui entraîne une cassure et en moi, et dans le récit. En gros : JE NE LÀCHE RIEN JUSQU’AU POINT FINAL, sans relire les chapitres précédents et sans les corriger.

…..Une fois le premier jet torché, toujours en gardant cette ambiance en moi, je retourne dans les lignes, et là j’améliore. La grosse prise de tête étant comment embellir sans trahir la spontanéité de départ… Un problème impossible à résoudre ?

 

…..– Lire les auteurs qui sont dans mon genre ? Euh… c’est pas déjà fait ? J’avoue que lorsque je me prépare à écrire un roman, je m’isole de tout. Devenant un buvard total de mon environnement (il m’arrive d’écrire le lendemain ce que j’ai vécu la veille pour y incérer mes personnages ensuite) l’idée de lire un bouquin durant ce temps, ou même voir un film, si une phrase ou une situation me plait, j’ai tendance malgré moi à me mettre en mode « envie de plagiat ».

 

…..– La castration du plan. J’ai pu observer que beaucoup de gens préconisent de faire des plans avant d’attaquer un livre. Je dirais que ça dépend du genre. Si vous êtes parti dans une fresque de 18 bouquins dans quatre univers et deux cent vingt-six civilisations, peut-être que ça vaut le coup en effet.

…..Mais, l’idée de faire des plans en structurant la totalité de l’histoire, à mon avis, enlève le plaisir d’une liberté totale et le soin de laisser choisir aux personnages leur propre évolution.

…..Voilà, on va s’arrêter là pour cette fois.

…..J’espère que ces généralités vous ont un peu apporté et, de toute façon cela vient de me donner l’idée de développer le thème. À faire et à suivre donc…

…..Dans tous les cas, c’est à vous de voir, l’écriture est un travail solitaire, épuisant, prenant, très personnel, désespérant parfois mais toujours passionnant.

…..Alors avant de vous prendre la tête, prenez votre pied.

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6 thoughts on “Comment écrire un roman ? – Généralités”

  1. Melsa

    Tenir la note…avoir le phrasé… vous savez le faire, le lire… Plonger dans l'histoire et y voir les personnages l'action l'image leur ressenti, "vivre et mourir avec eux" pendant que vous ecrivez comme si vous voyez, créez un film et remonter à la surface, dans le réel, avec la tête, la mémoire dans tout ces états… On le ressent en tant que lecteurs. Ce n'est pas tout simplement écrire. "Faut avoir l'oeil" 😉 Vous vous donnez à 100%. C'est pourquoi c'est si bon.

  2. Lee Miller

    Je partage la nécessité de la régularité, l'aspect "buvard", la notion de "note" aussi. La grande problématique de dénaturer par une relecture, un texte livré d'un trait également.
    Concernant le style un peu moins. C'est vrai que le style est la signature d'un artiste. Mais quand j'écris je ne cherche pas à faire du "moi-même". Je cherche à faire de "mon mieux", i.e. dire ce que j'ai besoin dire de la façon que je trouve la plus "belle" là sur le moment. Mon style est donc cette notion de "beau" qui n'appartient qu'à moi, qui est moi, qui me définit.

  3. L'écrivain souterrain

    Salut Lee, heureux de te voir ressuscitée. Désolé pour le temps tardif de réponse, j’ai eu à faire. C’est vrai que j’ai été un peu trop général sur ce truc-là. En vérité je comptais l’approfondir dans un autre article mais, puisque tu me branches là-dessus, je vais essayer de développer un peu là. Comme je ne suis pas photographe (contrairement à toi, et beaucoup moins belle), pardonne moi d’avance si j’me plante… Cinq you !
    Je dirais pour la faire courte que comme tout artisan c’est en stylisant qu’on devient styliste. Si j’ai bien compris ton message, je suis d’accord, je ne vois pas l’intérêt de faire du « comme untel » pour la joie de faire « du beau » sans que cela me corresponde. Mais pour moi, on peut avoir « du style » sans avoir UN style qui nous enfermerait. En ce moment je navigue un peu dans des eaux nouvelles, j’essaie des choses… surement qu’il y aura du bon et du très mauvais. Mais le principal est toujours le même pour moi : l’authenticité.
    Après chacun voit midi à sa porte, sauf moi qui me lève plus tard.
    Mais, comme tu dis, on fait toujours « de son mieux », car traduire ce que l’on voit et ressent en mot est un casse-tête génial. Après, à chacun de voir jusqu’où il est prêt à pousser le bouchon.
    Voilà, au plaisir de lire ta réaction si tu repasses par là…

  4. Lee Miller

    Bonsoir ou bonjour, suivant ton faisceau horaire.
    Je partage ton intérêt pour l'"authenticité".
    Je partage aussi le besoin très fort de n'être enfermée par aucun code extérieur ni aucun intérieur que je m'imposerais. Comme par exemple reproduire mon propre style comme un fractal.
    Je partage le goût SM du "casse-tête génial".
    … et je veux bien approfondir le sujet style par le biais d'un autre article.
    En revanche, et pour évoquer les autres points de ton article, j'ai un plan, qui n’apparaît que tardivement, lorsque mes personnages sont bien définis et vivants dans mon esprit. Je l'utilise pour boucler mon histoire. Parce que bien boucler une histoire est qlqch d'important pour moi. Je ne macère pas l'histoire. Elle est la nacre autour d’une frustration, d’un désir et je suis ce fil, le tends. Mes personnages émergent, prennent place dans ma journée, dans mes nuits et l'histoire ne met en route comme cela. Je ne lis pas d'auteurs dans mon style. Simplement parce que je n'en ai pas trouvés (!) et c’est certainement pour cela que j'écris. Ou alors est-ce simplement aussi, parce que je n'ai pas de style…

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